À la Arlt


On avait découvert Arlt avec le bien nommé La Langue, où celle-ci – organe comme idiome – était travaillée à la laine de verre d'une drôle de chanson française, bancale et fantasque, râpeuse et joueuse, précieuse et dilettante. Cela donnait des titres comme La Rouille, Les Dents ou Après quoi nous avons ri, dont il était bien difficile de se défaire.

Feu la figure, la deuxième saillie du duo, pour l'occasion soutenu par The National (!), est à l'image de son prédécesseur et à vrai dire on n'en demandait ni n'en attendait pas davantage. On y trouve toujours ces guitares tordues et dissonantes, ces rythmiques cinoques au bord de la syncope et cette poétique de la terre (langue ?) brûlée. D'emblée l'hypnose opère avec Le Pistolet dans le chevauchement d'une poignée de phrases équivoques et de quelques vocalises de plaisir : « tu as la bouche pleine, tu as les dents froides, tu m'aimes bien ça se voit - Tu m'as pris pour un pistolet (…) des fois tu es dans la lune, je ne sais pas ».

Chez Arlt, le râle est permanent, car on aime différemment, surréalistement. On aime Sans (les) bras, on aime la chair, autant qu'on aime à l'os, ressassant des obsessions sur les parties du corps - décomposées, arrachées, humaines et animales – mais aussi l'eau, le pourrissement et la mort. Ethos et Thanatos jamais mieux entremêlés que sur Chien mort, mi amor. Entre amour branlant et mort inéluctable, chez Arlt, on vacille ou, comme ils le chantent sur Une sauterelle (dessinée par un fou) : « ça tremble et tout ce qui tremble est vrai ».

Stéphane Duchêne

Dominique A + Arlt, samedi 2 février à 20h30, à la Source (Fontaine)


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