De passage


Moyennement – voire très sévèrement – accueilli par la presse au dernier festival d'Avignon où il fut créé, matière à diviser les rédactions (dont la nôtre), Plage ultime est pourtant un spectacle puissant pour qui accepte de se laisser embarquer sur des sables mouvants. Un fatras d'accessoires jonche le plateau : un bar, un piano à queue, des fauteuils, mais aussi et surtout au premier plan, un tapis roulant d'aéroport. Et juste derrière, un pont métallique suspendu, comme une passerelle qui ne dit ni d'où elle part ni où elle mène. Les comédiens vont et viennent, maugréent, rient, échangent parfois quelques bribes d'histoires. Alors bien sûr, ce travail (initialement annoncé d'une durée de 2h40 et fort heureusement pour le rythme resserré en 1h40) n'est pas narratif, il est même parfois très épars ; mais peu importe, car ce que parvient à capter Séverine Chavrier est la frénésie (ou l'arrêt brutal) des déplacements et le néant auquel renvoie ce perpétuel et obsédant besoin de se rendre d'un point à un autre. Les valises valsent, tombent, s'entrechoquent souvent dans ce spectacle inspiré de l'univers de l'écrivain américain J. C. Ballard ; les gens courent, se figent, se cognent, recommencent dans ce qui peut être un hall de gare, symbole implacable d'une société trop pressée. Mais c'est plus sûrement encore un no man's land, voire une loupe posée sur notre boîte crânienne dans laquelle tout se bouscule.

Nadja Pobel

Plage ultime, du mardi 12 au samedi 16 mars, à la MC2


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Le prochain Spielberg est peut-être grenoblois