Sans eux


Galerie / Ce n'est pas la première fois que Sylvie Sauvageon montre ses dessins à la galerie Ka&Nao, et ce n'est ainsi pas la première fois que la minutie de son travail nous interpelle. Revenue de la couleur et de la reproduction obsessionnelle des pièces de sa maison de famille, elle n'abandonne pas pour autant ce qu'elle semble avoir entrepris : répertorier et archiver sa mémoire. Des lieux aux personnes, des livres lus avec attention aux papiers peints entrevus par habitude, tout son univers se concentre dans la mine de ses crayons. Si cette arme ne paye pas de mine, elle n'en est pas moins redoutable lorsqu'elle est utilisée avec une telle persévérance. Comme ici, dans les petits ou grands formats de la série Ils disparaissent… Reproduction des négatifs de photographies d'inconnus prises par son grand-père dans les années 1920, les dessins de cette série tracent à petits traits une mémoire anonyme de personnes disparues en même temps que celle de la plaque photographique – objet que le temps commence à détruire avec l'intransigeance qui est la sienne. Sombre et impérieux défilé de fantômes sans visage, diffusant une étrange lumière à travers la pièce, concentré dans des « espèces d'espaces » (selon le mot de George Pérec) ayant valeur de cercueil.

Laetitia Giry

À l'ombre du doute, jusqu'au 30 mars à la galerie Ka&Na


<< article précédent
Le chant d’un signe