"La vie est un songe" : la face cachée de l'homme


La vie est un songe est une pièce mythique du dramaturge espagnol du XVIIe siècle Pedro Calderón. S'y croisent diverses intrigues, rassemblées autour de celle d'un roi qui a enfermé son fils à la naissance parce qu'une prédiction lui a été faite : l'enfant deviendra un tyran. Mais au seuil de la mort, sans héritier, le père décide de faire libérer son fils et de voir ce qu'il advient. Ce dernier se transforme alors bel et bien en tyran, guidé par une irrépressible soif de vengeance...

Le Grenoblois Tristan Dubois (compagnie des Mangeurs d'Etoiles) s'est emparé de ce matériau riche pour livrer une mise en scène d'une finesse remarquable, avec un impressionnant travail scénographique. Tout le début de la représentation se déroule dans la pénombre, emplissant l'intrigue de mystère. Une intrigue il est vrai complexe, que le metteur en scène ne laisse jamais filer, arrivant très bien à simplifier la pièce initiale (le spectacle ne dure pas plus d'1h30).

Un spectacle guidé par une criante envie de faire du théâtre, du beau et du poétique, tout en laissant le soin à l'œuvre d'exprimer ce qu'elle a de plus profond. Car le texte de Calderón peut être lu sous plusieurs prismes. À une époque où l'on veut absolument tout contrôler et prévoir les comportements déviants dès la naissance (l'un des projets de Sarkozy était de détecter la délinquance en maternelle), cette histoire prend un sens nouveau.

Que Tristan Dubois ait décidé, consciemment ou non, de la mettre en scène avec des marionnettes et des manipulateurs à vue (qui sont tous de très bons comédiens) donne une clé de lecture supplémentaire bienvenue. Car à force de vouloir manipuler les uns et les autres pour espérer un monde meilleur, n'est-ce pas un monstre que l'on risque d'engendrer ? Heureusement, Calderón est beaucoup plus optimiste, tout rentrant dans l'ordre avec lui !


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