Motifs en tourbillon

À la fois mises en scène et spontanées, les photographies de Myette Fauchère ont ce quelque chose de revigorant qu'il fait bon croiser parfois. L'Afrique noire et ses fameux tissus sont ici l'occasion d'habiter le Musée de la Viscose et de lui donner un sacré coup de frais. Laetitia Giry


La série Portraits caméléon de la photographe Myette Fauchère, effectuée au Bénin en 2010, présente des groupes de personnes toutes vêtues du même tissu, placées entre l'objectif et un fond conçu avec le tissu des vêtements. De cette manière, Myette dit exploiter « la faillibilité de l'œil pour restituer des illusions d'optique ».

De fait, les mouvements créés par l'entremêlement des motifs troublent la vision, créent une confusion proprement graphique qui vient donner du sens à la démarche : les individus de chaque groupe (chorale, famille) sont assimilés à leurs semblables dans cette saturation de tissu uniforme. Une saturation qui constitue un corps photographique dont s'extraient cependant des bouts de corps des sujets représentés ; des pieds, mains et visages semblant flotter en apesanteur, confirmant la présence de chacun comme entité une et différenciée.

Derrière la scène

« De cette Afrique aux sensations, aux odeurs, aux couleurs multiples, se dégage une énergie créée par un mouvement permanent. » Visiblement fascinée par l'énergie vitale de l'Afrique, la photographe la restitue en construisant ses prises de vue sur fonds colorés, en établissant une relation de confiance avec les membres de la communauté qui défilent devant son objectif, en créant en somme une atmosphère propice à l'expression de leurs personnalités. Ainsi les rires et regards glacés sur le papier s'imposent comme des instants purement spontanés et non comme le fruit d'une mise en scène et d'un jeu calculé. Voilà qui relève de la responsabilité du photographe, de sa faculté à faire éclore la vérité des individus au sein de sa mise en scène - corset composé par ses soins de faiseur d'images.

Ainsi Myette capture-t-elle des images précieuses, en permettant simplement à la vie de jaillir derrière l'écran. Ainsi ne peut-on que suivre le photographe et critique Pierre Canaguier quand il affirme qu'elle « brouille les codes de compréhension de l'image et de la représentation » pour obtenir très naturellement « des portraits dont les standards sont balayés par une vague délicieuse de fantaisie ».

Portraits caméléon, jusqu'au 30 juin au Musée de la Viscose


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