La parole est aux poètes

C'est parti pour la vingt-sixième édition des Arts du récit, la manifestation culturelle iséroise dont la ligne éditoriale est clairement résumée dans son titre. Un festival qui programme entre autres "Quand m'embrasseras-tu ?", l'un des plus beaux spectacles de l'année construit autour de la poésie du Palestinien Mahmoud Darwich. Rencontre avec Claude Brozzoni, le metteur en scène de ce bijou, et zoom sur le reste des propositions. Aurélien Martinez


Comment est né ce projet ?
Claude Brozzoni : C'est en 2009 que j'ai découvert les textes de Mahmoud Darwich. Je ne les connaissais pas auparavant, comme je ne suis pas un grand lecteur de poésie. Ça a été une rencontre très forte. Quand j'ai commencé à les lire, j'ai eu une sorte d'incompréhension, je n'arrivais pas à tout saisir. Puis il m'a fallu à peu près cinq-six mois avant que quelque chose ne se passe...

Vous avez choisi de transmettre cette poésie sur scène en l'intégrant dans un ensemble plus vaste – au contraire de metteurs en scène comme Claude Régy qui cherchent le dépouillement autour du texte...
La musique, l'interprétation d'Abdelwaheb Sefsaf, la peinture : tout est au service du texte. Il y a eu un travail important sur la langue, la diction, la ponctuation, les élisions, les liaisons – on fait tellement de liaisons de nos jours qu'on se trouve face à une sorte de mayonnaise !  L'acteur fait du texte son corps et sa chair. La musique et la peinture viennent ensuite, pour se confronter à cette parole, et la faire vibrer différemment.

Une parole portée par le comédien Abdelwaheb Sefsaf, qui irradie littéralement sur scène...
Je n'aurais pas pu faire le spectacle sans lui, parce qu'il joue et chante extrêmement bien – c'est un véritable chanteur, et non un comédien qui chante. Il retranscrit magnifiquement le souffle de la langue de Darwich.

En découle donc une sorte de cabaret poétique ?
C'est une forme de théâtre musical chanté et parlé qui s'approche plus du concert que du cabaret. Une sorte de forme à la Léo Ferré.

Mahmoud Darwich était Palestinien. Plusieurs des textes que vous avez choisis évoquent le conflit en cours. Quand m'embrasseras-tu ? est-il un spectacle politique ?
Je ne peux pas dire qu'il ne l'est pas, puisqu'il parle de Gaza, de l'occupation, de l'exil, de la prison... Mais la volonté n'était pas de faire un spectacle politique sur la Palestine – le spectacle n'est pas pro-palestinien ou anti-israélien. L'idée était plutôt de partir de la voix de cet homme, qui a parlé de son peuple mais pas uniquement, puisqu'il a évoqué cette difficulté à vivre, l'égoïsme, la violence, la vengeance. À l'intérieur de ses textes, on sent un souffle qui nous amène vers d'autres possibles. Car il parlait aussi de l'amour, du partage, d'un désir de paix, de la beauté...

Quand m'embrasseras-tu ?, mardi 14 mai à 20h, à la Rampe (Échirolles)

 

C'est au programme

Cette année aux Arts du récit, il y a donc le spectacle Quand m'embrasseras-tu ?, très grand moment d'optimisme défendu par un comédien chanteur impressionnant (Abdelwaheb Sefsaf) et trois musiciens impeccables. Mais beaucoup d'autres créations seront proposées pendant ces onze jours de festival, notamment par des artistes que l'on a souvent eu l'occasion de voir sur les scènes de l'agglomération. On pense notamment au spectacle Vy de Michèle Nguyen (à l'Odyssée d'Eybens et à l'Espace 600), qui a reçu le Molière 2011 du meilleur spectacle jeune public, et qui a déjà été programmé plusieurs fois à Grenoble.

L'incontournable Yannick Jaulin, qui est aux Arts du récit comme chez lui, dévoilera sa toute dernière création Conteurs ? Conteur à l'Hexagone de Meylan. Jennifer Anderson, elle aussi souvent vue au festival (normal, elle fait partie de l'équipe professionnelle des conteurs du Centre des Arts du récit), proposera des « visites guidées imaginaires » de l'exposition Giacometti du Musée de Grenoble. Autres locaux de l'étape, les Barbarins fourchus s'associeront à la comédienne et conteuse Jeanne Ferron pour raconter l'histoire de Macbeth (à la Salle noire). À noter enfin, au rayon des têtes d'affiche attendues avec envie, que le chanteur et musicien André Minvielle (photo), lui aussi habitué des scènes iséroises (il était programmé l'an passé aux Détours de Babel), sera le « fil rouge » de cette vingt-sixième édition – on le croisera à la Source de Fontaine, à la Bobine, ou encore au Ciné-théâtre de La Mûre.

Les Arts du récit, du lundi 13 au vendredi 24 mai, dans divers lieux de l'agglo et du département
Programmation chaque semaine en pages théâtre et sur www.petit-bulletin.fr


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