Pianiste caméléon

Le fameux pianiste classique ami de la chanson française Alexandre Tharaud profite de sa résidence à la MC2 pour présenter au public un programme éclectique, réparti sur plusieurs soirées et allant de Bach à Albin de la Simone. Bien entouré, le musicien offre ainsi une approche du piano aussi variée qu'originale, pointue que populaire. Propos recueillis par Laetitia Giry


En quoi consiste pour vous la Carte blanche que la MC2 vous a confiée ?

Alexandre Tharaud : Je suis en résidence à la MC2 depuis la saison dernière, et jusqu'à la saison prochaine. Cette résidence consiste à ce que je vienne à intervalles réguliers, que je propose des projets qui me sont chers. Cette semaine Carte blanche au mois de juin est une sorte de résidence dans la résidence. J'avais envie de rester une semaine entière pour m'immerger dans Grenoble, dans cet espace de la MC2 que j'aime tant.

Les Variations Goldberg de Bach sont aussi fameuses que difficiles à jouer : pourquoi avez-vous eu l'envie de vous confronter à cette œuvre-là ?

C'est une montagne, un chef d'œuvre ! Même si c'est une partition qui a été écrite pour le clavecin et non le clavier. J'avais l'impression depuis des années que je ne pourrais pas ne pas passer par là un jour. J'ai commencé à les jouer de manière régulière il y a deux ans, mais en prenant mon temps, elles ne prennent leur envol que depuis quelques mois. Je pense que je ne les enregistrerai que beaucoup plus tard, c'est vraiment une œuvre avec laquelle j'avance à petits pas. Quand on aborde une œuvre, ce n'est pas forcément pour apporter sa touche personnelle, sa pierre à l'édifice, c'est plutôt parce que vos tripes vous le demandent. En tant que pianiste, il y a des œuvres par lesquelles on se sent attirés, on se dit "il faut y aller", c'est une sorte d'Everest qu'il faut gravir. Les pierres de l'édifice sont déjà là, solides. S'attaquer aux Variations, c'est aussi s'attaquer à ce que les grands pianistes y ont imprimé… Comment les entendre aujourd'hui sans entendre Gould ? Mais finalement, paradoxalement, c'est une œuvre peu enregistrée.

Concernant la soirée "Musique de chambre"…

La "musique de chambre" est une musique par définition "en chambre", donc une musique par petits groupes, pas un orchestre mais plusieurs personnes. C'est donc avant tout des rencontres, c'est faire un chemin vers l'autre, l'écouter. On fait rarement de la musique avec des gens qui nous ressemblent, mais avec des gens très différents de nous. L'intérêt est qu'au terme de ce chemin, on crée quelque chose sur une terre qui nous est commune. Pour cela, j'ai demandé à des musiciens avec lesquels je n'ai pas joué depuis très longtemps, et on a concocté ensemble un programme de Gershwin et Poulenc – deux compositeurs qui sont rarement mis en miroir.

La soirée consacrée à la chanson française offre un programme pour le moins inattendu de la part d'un musicien classique...

J'ai de mon côté fait beaucoup de chansons, collaboré avec de nombreux chanteurs, car j'ai toujours été attiré par la chanson française. Quant au choix des artistes, j'ai invité des amis de longue date : je connais Juliette depuis dix-huit ans, Alain Chamfort que j'admire beaucoup, Vincent Delerm et Albin de la Simone qui sont des inséparables, et Dominique A que j'ai déjà accompagné aussi (comme Vincent Delerm) dans le répertoire de Barbara – Barbara, que j'aime beaucoup. Donc l'ombre de Barbara va planer sur cette soirée.

Lors de cette semaine spéciale, vous montrez par ailleurs quelques clichés pris par vos soins…

Ce sont des photos que je fais depuis longtemps. On me demande souvent de faire des expositions mais je trouve cela ridicule parce que ce n'est pas comme ça que j'ai envie de m'exprimer. Je fais des photos pour mon plaisir. Puis j'ai cédé l'année dernière pour la première fois et constitué cette exposition qui est une suite de dix sept photos – chacune d'entre elles a pour titre le nom d'une ville que j'ai traversée au gré de mes concerts. J'ai donc proposé à la MC2 que l'on expose cette série, qui peut servir de fil conducteur et donner une approche de ce que je fais par un matériau parallèle, une lecture parallèle.

Alexandre Tharaud joue les Variations Goldberg, mardi 4 juin à 20h30 à la MC2
Alexandre Tharaud et ses amis, jeudi 6 juin à 19h30 à la MC2
Alexandre Tharaud invite la chanson française, samedi 8 juin à 19h30 à la MC2
Alexandre Tharaud, trois récitals dans trois villages, dimanche 9 juin à 11h à l'église de Lans-en-Vercors, à 15h à l'auditorium de la Cité scolaire Jean Prévost à Villard-de-Lans, et à 19h au Couvent des Carmes de Beauvoir-en-Royans



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