Sous les paupières

Jeune artiste d'origine grenobloise, Benoit Broisat explore et donne à voir l'inconnu en créant des images à partir d'objets rêvés ou inexistants. Vidéos, photographies et maquettes sont les outils d'une insertion maline de l'imaginaire dans le réel. Laetitia Giry


Comme tout le monde, Benoit Broisat rêve, comme certains il note les rêves dont il se souvient, comme peu d'entre ceux-là, il les décrit avec des dessins plutôt que des mots. Le passage de son inconscient à son état de conscience prend ainsi la forme d'une image qu'il reconstruit, grâce au souvenir de son moi endormi et la faculté de penser, d'analyser et de reproduire de son moi éveillé.

If I close my eyes, titre de cette exposition, vient confirmer le principe même des recherches de l'artiste : extraire et traduire ce qui relève du mental dans le visible, partager ainsi des visions intimes avec un public. Photos et vidéos de synthèse sont ainsi l'étrange médium utilisé pour représenter l'inexistant, le montage farfelu opéré par l'esprit : entre peurs et désirs, restes diurnes et motifs bizarres.

Dans le même esprit de partage, il a mis en place un nouveau dispositif : des centaines de dessins de souvenirs de son appartement d'enfance sont assemblés pour constituer un univers en 3D au sein duquel le visiteur peut déambuler à l'aide d'une manette de jeu vidéo.

Nostalgie futuriste

La possibilité de pénétrer dans cet espace entretient un rapport étroit avec les maquettes que Benoit Broisat assemble par ailleurs avec la même « volonté de faire image ». Décomposé en trois dimensions, le paysage abstrait et surréaliste qu'il dessine par touches d'objets aux dimensions décalées (un caillou se transforme en rocher, une mèche de cheveux en végétal immense) a pour principale vocation d'être vu de face, regardé comme une photographie. Mais la réalité de la matière veut que l'on peut tourner autour, laisser l'œil voguer à l'intérieur de l'image, occuper un espace visible interdit aux surfaces planes.

Un interdit à transgresser, un impossible créé par le geste artistique, au même titre que le projet Ghost Tokyo. Vidéo qui présente une vue mouvante de la ville (où l'artiste a été en résidence), abimée dans son intégrité par des formes blanches, « trouée par des silhouettes de bâtiments dont le projet de construction a été oublié ». Intéressé par le rétro-futurisme, l'idée fantasmée du futur confronté à ce qui existe réellement, il incruste et efface dans la vidéo ce qui aurait pu être mais n'a pas vu le jour, tissant mine de rien une pré-nostalgie absurde et d'autant plus touchante : celle de ce qui n'a jamais existé autrement qu'en esprit, qu'il n'y a pas lieu de regretter, si ce n'est par le prisme de l'absence.

If I close my eyes, jusqu'au 29 juin au Vog


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