Millefeuille

De Nouri Bouzid (Fr-Tunisie, 1h45) avec Bahram Aloui, Lofti Ebdelli…


Le cinéma du Maghreb n'en a manifestement pas terminé avec ses révolutions… Millefeuille inscrit sa fiction directement dans une reconstitution – discrète – du Printemps qui renversa le régime de Ben Ali, en suivant deux amies, Zaineb et Aïcha, qui tentent de s'émanciper des carcans culturels et religieux qui les entourent.

Nouri Bouzid, comme son camarade égyptien Yousry Nasrallah, ne peut échapper à cette maladresse qui consiste à faire des personnages les vecteurs d'un discours, chacun incarnant une position et la faisant passer à travers des dialogues sentencieux. Ce qui entraîne d'ailleurs une certaine surenchère, notamment quand les boyfriends respectifs des héroïnes entrent en scène, personnages grossièrement brossés pour faire le tour des prototypes tunisiens – l'un, mafieux installé en France, l'autre, musulman radicalisé après son passage en prison.

Millefeuille ne réussit à dépasser ce cahier des charges que lorsqu'il s'aventure vers une certaine étrangeté visuelle : tandis que Zaineb est contrainte à porter le voile lors d'une scène éprouvante et brutale, à la lisière du film d'horreur psychologique, Aïcha ne supporte pas de devoir l'enlever pour aller servir dans le restaurant où elle travaille. Ce transfert d'identité à distance en dit plus long que tous les discours du film : c'est bien le respect des différences, et pas la tentation d'une uniformisation contrainte, qui pourra assurer la réussite de la Révolution.

Christophe Chabert


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