Arno Future

Putain, putain, c'est vachement bien : Arno, monstre (mas)sacré du rock plus ou moins francophone, fait son retour aux Rencontres Brel avec dans ses flight cases "Future Vintage", un dix-neuvième album aussi puissamment zinzin et imagé que les précédents. Benjamin Mialot


« Arno, je n'y arrive pas, rien que quand je le vois et quand je l'entends parler, il me fait de la peine, presque pitié. » Entendue à la faveur d'un visionnage en famille d'une émission de variété dont il était l'un des rares invités à ne pas se comporter comme un premier communiant, cette petite phrase d'apparence anodine n'a depuis cessé de nous hanter.

Comme son pote Bashung avant lui, comme Gainsbourg ou comme Higelin (ou comme Tom Waits, auquel il est souvent comparé), Arno ne serait aux yeux du grand public qu'une sorte de Quasimodo chantant ? Un brave freak dont les traits distinctifs suffisent à résumer la carrière ? Une tronche de figurant grolandais, une carrure de vieux loup de mer jamais vraiment rentré au port, une voix de clodo porté sur la piquette, un phrasé de action hero déraciné (note pour plus tard : réhabiliter Jean-Claude Van Damme), ça pèse dans la balance l'équivalent de dix-neuf albums (sans compter ceux enregistrés avec TC Matic) ? Bah merde alors.

Vive sa liberté

Merde alors, parce que Arnold Charles Ernest Hintjens est rien moins que le plus grand rockeur du Plat Pays. Ce qui, connaissant la fécondité de ce territoire en la matière (de dEUS à Ghinzu en passant par My Little Cheap Dictaphone, Sharko ou The Black Box Revelation, il y a là-bas assez de bons électriciens pour faire disjoncter la centrale électrique de Ruien), n'est pas peu dire.

Pas trente-six explications à cela : il n'a jamais perdu d'ouïe que le rock'n'roll est une musique d'affranchis. Une musique qui, du coup, autorise toutes les libertés. Liberté de chanter un coup en anglais, un coup en français, un autre en flamand. Liberté de se rouler dans un blues fangeux avant d'aller se faire dorer au soleil des Balkans. Liberté de tailler des croupières aux popstars (J'ai un problème, sur l'album À poil commercial) et d'enregistrer quelques années plus tard un duo avec un pur produit de la télé-réalité musicale (Julien Doré, pour ne pas le nommer).

Liberté de multiplier les hommages, des plus logiques (Captain Beefheart, Muddy Waters) aux plus improbables (voir sa reprise, tendrement bourrue, du Knowing Me Knowing You d'Abba), y compris à soi-même. Liberté de signer le cadeau de fête des mères ultime (le bouleversant Dans les yeux de ma mère, sur À la française) et de l'introduire sur scène en vantant la taille des nichons de la maman en question. Autant de beaux gestes qui ne l'empêchent pas de se présenter comme le plus mauvais musicien du monde. À tort, comme l'a établi un précédent concert lyonnais. Juré sur nos deux bonbons.

BaliMurphy + HK & les Saltimbanks + Arno, vendredi 19 juillet, sous le chapiteau des Rencontres Brel

Benjamin Mialot


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« Je n'ai rien inventé »