Wolverine : le combat de l'immortel

Wolverine va se promener au Japon dans une aventure impersonnelle et ennuyeuse au possible, signe d'une franchise qui avance en roue libre et d'un cinéaste, James Mangold, totalement perdu. Christophe Chabert


Face à ce Wolverine, qui laisse pas mal de temps pour penser à autre chose tant il sollicite peu la participation du spectateur, contraint d'en suivre les péripéties anémiques et les scènes d'action aussi rares que foireuses, on se dit qu'Hollywood est devenue une centrifugeuse folle prise au piège de sa productivité. Que faire pour maintenir en vie la franchise X-Men en attendant qu'un cinéaste ambitieux s'attelle à retrouver son essence de saga ? Décliner son personnage-phare dans des aventures prétextes que l'on regardera comme on lit le 115e numéro de Strange : d'un œil distrait avant de s'endormir.

Ainsi va ce Combat de l'immortel : Logan / Wolverine survit à l'explosion atomique de Nagasaki et, soixante ans plus tard, après avoir vainement tenté de jouer les ermites barbus au milieu de la forêt — Into the wild beast ? — est contraint d'aller au chevet du soldat japonais qu'il avait sauvé à l'époque. Devenu un magnat de l'industrie tokyoïte, il s'apprête à léguer sa fortune à sa petite fille qui, évidemment, ne sera pas indifférente au charme du Glouton, entre temps passé par un bon bain chaud pour retrouver son look iconique.

Dans une logique de serial que l'on retrouvera, en moins arthritique, dans le futur Lone Ranger, le film rajoute une louche de personnages secondaires et de climax pas franchement passionnants, laissant peu à peu sur le bas-côté la mythologie X-Men. Hormis une mutante qui semble cumuler des pouvoirs variables en fonction des besoins de l'intrigue, rien ici ne dépareille vraiment avec l'ordinaire du cinéma d'action actuel, si bien que cette aventure de Wolverine au Japon pourrait, à peu de choses près, être celle d'un James Bond ou d'un Tintin.

Exemple typique : la garde du corps japonaise de Logan, dont le pouvoir est tout sauf super — elle peut prédire la mort des gens — et pour le moins défaillant puisqu'elle se trompe au moins trois fois au cours du film, gag involontaire d'un scénario écrit n'importe comment. À quoi sert-elle ? À apporter une touche d'exotisme à l'ensemble, draguant avec une insistance gênante les fans de manga qui, prenons le pari, rigoleront beaucoup devant ce Japon sans âge reconstitué intégralement en Australie.

Plaqué Mangold

Le plus bizarre dans ce ratage intégral est d'y trouver accolé le nom de James Mangold. Cinéaste que l'on a longtemps aimé pour son hétéroclisme discret et son efficacité lorsqu'il se met au service de récits très codifiés — de la bio filmée avec Walk the line au western dans 3h10 pour Yuma, en passant par le polar lumetien de Copland et le film de peur pour Identity — il paraît ici complètement dépassé par la lourde machine commerciale qu'il manœuvre. Plus impersonnelle que classique, la mise en scène se laisse avoir par tous les gimmicks du blockbuster actuel : animaux numériques à la facticité gênante, rétrofuturisme arbitraire dans la direction artistique et tartinage de spectacle 3D repoussant les limites de la crédibilité — la scène du train, qui devrait être un sommet du genre, est un des trucs les plus laids et idiots qu'on ait vus cette année sur un écran.

À l'image du film tout entier, la présence de Mangold signifie bien le renoncement total qui a présidé sa réalisation, et dont on trouve l'aveu dans la séquence post-générique : ce voyage nippon n'était, dans le fond, qu'une très longue parenthèse inutile pour ramener Wolverine dans le viseur du futur X-Men : Days of the future past. Cynisme ultime : un film qui confesse en fin de compte qu'il n'aura servi à rien, sinon à faire tourner la centrifugeuse hollywoodienne.

Wolverine : le combat de l'immortel
De James Mangold (2h06) avec Hugh Jackman, Rila Fukushima…


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