Taxi Driver, compteur à héros


Cela fait presque quarante ans que Taxi Driver est sorti sur les écrans. C'est à peine pensable tant le film semble habiter un espace-temps furieusement contemporain, qui saisit à chaque nouvelle vision ; le propre des chefs-d'œuvre. Le Travis Bickle incarné par Robert De Niro reste le personnage le plus fort de toute la filmographie, pourtant riche, de Martin Scorsese : vétéran du Vietnam insomniaque devenu chauffeur de taxi dans les rues de New York, il en absorbe toute la misère pour la recracher, déformée et monstrueuse, en une longue rumination intérieure, avant de se commuer en ange exterminateur.

Bickle est-il un héros positif ou négatif ? Tout dépend, répond Scorsese ; son désir d'exister, de servir à quelque chose, le poussent à adopter la première cause qui passe, assassinat d'un candidat à la Maison Blanche ou massacre sanglant dans un lupanar tenu par un pimp blanc. Inadapté, un peu idiot sinon carrément facho, il provoque partout où il passe le malentendu. Même la fin du film, d'une souveraine ambiguïté, le sanctifie pour des raisons pour le moins réversibles moralement.

La caméra nerveuse de Scorsese, le jeu fiévreux de De Niro – avec son morceau de bravoure mythique : «You're talking to me ?» –, la partition tout de roulements de tambours et de cuivres jazzy signée Bernard Hermann – sa dernière contribution cinématographique : cet ensemble parfait confère à Taxi Driver son statut de monument dans l'Histoire du cinéma.

Christophe Chabert

Taxi Driver
De Martin Scorsese (1976, ÉU, 1h55) avec Robert De Niro Jodie Foster, Harvey Keitel…
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