9 mois ferme

Annoncé comme le retour de Dupontel à la comédie mordante après le mal nommé "Le Vilain", "9 mois ferme" s'avère une relative déception, confirmant que son auteur ne sait plus trop où il veut amener son cinéma. Christophe Chabert


Avec Enfermés dehors, grand huit en forme de comédie sociale où il s'amusait devant la caméra en Charlot trash semant le désordre avec un uniforme d'emprunt, mais aussi derrière en lui faisant faire des loopings délirants, le cinéma d'Albert Dupontel semblait avoir atteint son acmé. Le Vilain, tout sympathique qu'il était, paraissait rejouer en sourdine les envolées du film précédent, avec moins de fougue et de rage.

9 mois ferme, de son pitch (une avocate aspirée par son métier se retrouve enceinte, après une nuit de biture, d'un tueur «globophage» amateur de prostituées) à son contexte (la justice comme déversoir d'une certaine misère sociale) semblait tailler sur mesure pour que Dupontel y puise la quintessence à la fois joyeuse et inquiète de son projet de cinéaste. Certes, on y trouve beaucoup d'excès en tout genre, une caméra déchaînée et quelques passages ouvertement gore, mais aussi des choses beaucoup plus prévisibles, sinon rassurantes. Il y a surtout un mélange de registres comiques dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils sont loin de tous fonctionner.

La comédie en sursis

Ce que Dupontel réussit le mieux, c'est le grotesque, le gag énorme basé sur la surenchère – le passage hilarant de la vidéo surveillance avec Bouli Lanners en est le meilleur exemple. Mais le cartoon live ou, à l'opposé, la comédie de caractère, ne trouvent jamais leur ton ni leur rythme. Dupontel reprend son personnage habituel et, malgré de louables efforts pour se couler dans le moule délirant de l'auteur-réalisateur, Kiberlain manque de ce grain de folie qui emporterait le morceau. Sans parler du défilé de guests (Noé, Kounen, Dujardin, Gilliam) qui rappelle un certain esprit Canal des années 90, d'un seul coup furieusement daté.

Enfin, en plus d'emprunter la musique des Monstres pour souligner sa parenté avec la comédie à l'italienne – il est à vrai dire le seul en France à pouvoir en revendiquer décemment l'héritage –, Dupontel puise une part de son inspiration dans 10e chambre, Instants d'audience, film qui le fascine depuis longtemps. De l'avocat bègue à la juge incarnée par la vraie juge du documentaire de Depardon – géniale en vraie, mais peu convaincante en tant que comédienne, ce qui ruine tout le climax final –, cette référence s'avère écrasante et joue au détriment de 9 mois ferme, comme si la réalité était à la fois plus drôle et plus acide que tous les gags inventés par Dupontel…

9 mois ferme
De et avec Albert Dupontel (Fr, 1h21) avec Sandrine Kiberlain, Nicolas Marié…


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