Omar

Cette descente aux enfers d'un jeune Palestinien qui doit collaborer avec l'ennemi israélien est un thriller haletant, implacable et parfaitement mis en scène par Hany Abu-Assad. Reste à savoir jusqu'à quel point on peut le séparer de son contexte politique… Christophe Chabert


La scène finale d'Omar, que l'on peut considérer comme un aboutissement logique de son récit mais aussi comme le sommet de son ambiguïté politique, fut saluée par des salves d'applaudissements. Qu'applaudissait-on ici ? La maestria narrative et formelle du thriller ou le dernier geste de son héros et sa portée symbolique dans le contexte non plus de la fiction mais de la situation géopolitique au Moyen-Orient ? Autant dire que la réussite d'Omar, son efficacité à l'Américaine, est à la fois sa plus grande qualité et sa faiblesse la plus criante, comme si le film de genre et son sens du spectacle devenaient des bâtons de dynamite une fois collés au mur qui sépare Palestiniens et Israéliens.

C'est là que débute le film : Omar, jeune pâtissier qui, par amitié autant que par révolte, s'engage dans la résistance à l'oppresseur israélien, escalade ce mur de la honte, évite quelques balles et retombe, les mains ensanglantées, de l'autre côté. S'ensuit une première poursuite dans des ruelles escarpées qu'Hany Abu-Assad filme à la steadycam avec une indéniable virtuosité.

Trouble efficacité

Le film ne quittera plus cette tension-là, comme électrisé par cette entrée en scène spectaculaire. Le récit va ainsi faire d'Omar un homme amoureux, blessé puis désabusé, et un informateur obligé, après passage à la torture, de livrer à un flic israélien particulièrement cruel le chef de son réseau – qui est aussi le frère de la fille qu'il aime.

Abu-Assad observe avec une manifeste empathie la descente aux enfers de son héros, qui s'enfonce dans le mensonge alors qu'il ne cherche qu'à préserver les siens. Il fait surtout preuve d'un redoutable sens de la mise en scène, le film étant parfaitement rythmé, que ce soit dans ses moments intimes – avec ce jeu sur les lettres que s'échangent les amants – ou dans les séquences d'action.

Que le premier film tourné majoritairement avec des capitaux palestiniens aille reprendre ainsi les recettes éprouvées du mainstream américain, avec un protagoniste victime d'un engrenage injuste et un antagoniste froidement inhumain, ne manque pas de panache, mais elle limite aussi la portée du discours : la vengeance, légitimée dans le cadre du parcours fictionnel d'un individu singulier, est intenable à l'échelle d'une vision politique et globale. Comme Omar, le spectateur devra choisir son camp face au film, et s'y tenir jusqu'au bout.

Omar
D'Hany Abu-Assad (Palestine-Fr, 1h37) avec Adam Bakri, Waleed Zuaiter…


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Gabrielle