Chabrol voyage au bout de L'Enfer


Notre cycle "20 ans de PB, 20 ans de ciné" se poursuit au Club ce lundi avec un petit tour du côté de l'année 1994 et de L'Enfer, un film aussi génial qu'atypique dans le cinéma français comme dans celui de son réalisateur Claude Chabrol. Récupérant le scénario d'un film de Clouzot, inachevé pour cause de mégalomanie galopante, d'intempéries diverses et de crises cardiaques de son acteur principal, il en garde assez fidèlement l'argument, mais en propose une toute autre approche visuelle. Là où Clouzot cherchait, à travers cette histoire de jalousie maladive et destructrice, à expérimenter sur l'image, c'est plutôt le temps sur lequel Chabrol travaille.

Les premières scènes racontent à coups d'ellipses géantes comment Nelly (Emmanuelle Béart, iconisée en bombe sexuelle) et Paul (François Cluzet, monstrueux à tous les sens du terme) se rencontrent, se marient, font des gosses et mènent une vie tranquille dans leur hôtel provincial. Sauf que Paul sombre peu à peu dans un délire parano, persuadé que sa femme le trompe avec le bellâtre du coin (Marc Lavoine), puis avec à peu près tout ce qui bouge. La folie s'incruste dans le quotidien à mesure où Paul se fait des films – diapos, films amateurs et flashs fantasmés rythment sa descente aux enfers – tandis que le récit adopte une temporalité complètement déréglée, jusqu'à ne plus être qu'une pure projection mentale.

Il n'est pas inutile de rappeler qu'au même moment, Carpenter dans L'Antre de la folie et Lynch dans Fire walk with me travaillaient des idées assez similaires, et même si le cinéma de Chabrol garde son principe d'observation réaliste et balzacienne, il n'a jamais flirté d'aussi près avec le fantastique.

Christophe Chabert

L'Enfer
De Claude Chabrol (1994, Fr, 1h45) avec François Cluzet, Emmanuelle Béart
Lundi 4 novembre à 20h15, au Club
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