Boule de nerfs

Échappé du groupe Nervous Cabaret, Elyas Khan présente ce dimanche au Ciel "Brawl in Paradise", son premier album solo. Un disque œcuménique et ensorcelant, qui achève de faire de ce New-Yorkais aux mille vies l'un des musiciens les plus singuliers du moment. Benjamin Mialot


À quoi reconnaît-on un bon groupe de musique amplifiée ? Ni à sa popularité auprès des oto-rhino-laryngologistes, ni au nombre de musiciens qui l'ont quitté avec pertes et fracas – un pléonasme en soi. Un groupe de musique amplifiée est estimable dès lors qu'il parvient à faire se lever le public du Ciel. C'est en tout cas le dicton qui circule parmi les habitués de la salle. Et, mine de rien, ils sont quelques-uns à avoir passé cette épreuve avec succès, d'Alec Empire et ses acolytes aux airs de repris de justice, accueillis à coups de plongeons inter-rangées, aux Hollywood Porn Stars, qui firent de quelques élus des Hendrix d'un soir.

Mais, de mémoire de spectateur céleste, aucun n'est parvenu à l'accomplir aussi rapidement que Nervous Cabaret, incarnation à six têtes et deux batteries de la classe américaine dont l'espèce de mambo punk (si Lou Bega et Nick Cave composaient ensemble la BO d'un film de Tarantino, le résultat sonnerait sans doute comme les deux albums de ces impétueux Brooklynites) nous donne à chaque écoute l'impression d'avoir les pieds garnis de fourmis balles de fusil – les plus grosses du monde.

Bagarre générale

Un homme pourrait bien réitérer cet exploit cette semaine : Elyas Khan, le charismatique leader de Nervous Cabaret, qui de translations disciplinaires en collaborations déconcertantes, dessine depuis le début du siècle un cheminement artistique des plus captivants. Son physique de chef de guerre hun devenu icône pour fashion weeks, on l'a aperçu à la télévision (il a notamment fait de la figuration dans l'indépassable série carcérale Oz) et sur des plateaux de ballet (il a été danseur puis chorégraphe, et dans les deux cas obsédé par la notion d'énergie).

Son timbre et son phrasé de crooner mystique, on les a entendus aussi bien dans l'ombre du Band de Seilhac, obscure et juvénile formation corrézienne versant dans le néo-trad, qu'aux côtés du batteur des Dresden Dolls et de l'harmoniciste du Luminescent Orchestrii, avec lesquels il rend le moral au blues sous le nom de Gentlemen and Assassins. Ces temps-ci, c'est en solo qu'il poursuit son inventaire de la pulsation, avec Brawl in Paradise, disque qui, s'il ne rivalise que trop rarement en flamboyance avec ceux de la formation qui l'a fait connaître, ne ressemble à aucun autre : rockeur raffiné, songwriter éclopé, funkster à grelots, baroqueux funèbre, Elyas Khan y est tout cela à la fois. Dimanche, il ne sera par contre rien d'autre qu'une bête de scène.

Elyas Khan (+ Joy Wellboy), dimanche 10 novembre à 17h30, au Ciel


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