Trouble normalité


« La jeunesse est doublement conformiste » disait Pasolini dans un de ses essais politiques. En 1951, Alberto Moravia signait un roman qui intitulé Le Conformiste où il montrait comment un jeune bourgeois des années 30 décidait de rejoindre la cause fasciste en acceptant d'aller éliminer en France un professeur de philosophie appelant à la résistance contre Mussolini. Le roman de Moravia soufflait sur des braises encore chaudes de l'histoire italienne ; son adaptation vingt ans plus tard par Bernardo Bertolucci introduit une distance à la fois esthétique et morale par rapport aux événements.

Le récit, totalement déconstruit, semble prélever à même la mémoire du protagoniste : un Trintignant fascinant de froideur, écartelé entre sa décision – se conformer au schéma et à l'idéologie petit-bourgeois dominante – et sa complexité intérieure. La mise en scène de Bertolucci achève de créer cette confusion, utilisant l'époque pour en faire un vaste espace mental proche de l'abstraction, perdant ses personnages dans une architecture art déco à la fois magnifique et écrasante.

Des années avant que Losey ne fasse la même chose avec Monsieur Klein, Le Conformiste cherchait déjà ce paradoxe qui consiste à parler du passé en recherchant l'intemporalité, poursuivant une inquiétante étrangeté qui est sans doute la meilleure représentation cinématographique du trouble qui peut s'emparer d'une époque. Présenté par les Rencontres du cinéma italien – sur le campus, à l'Amphidice de Stendhal – dans le cadre de leur cycle «Résistance(s)», ce film assez rare mais ô combien influent doit être redécouvert toute affaire cessante.

Christophe Chabert

Le Conformiste
De Bernardo Bertolucci (1970, It-Fr, 1h52) avec Jean-Louis Trintignant, Stefania Sandrelli…
Mardi 26 novembre à 19h30, à l'Amphidice


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