Filles d'automne

Remarquées pour un premier album vieilli en fût de chêne, les vestales folk June & Lula prouvent sur "Yellow Leaves", le second, qu'elles sont à l'aise sur tous les terrains, ou presque, de la tradition américaine. Sans perdre de leur belle singularité. Stéphane Duchêne.


Le premier album des Françaises June & Lula avait frappé par sa fraîcheur autant que par son dépouillement. Celui d'amoureuses du « vieux folk et du vieux blues » comme elles disaient alors, qui cherchaient à frapper au cœur de cette matière sans en rajouter. Comme on le faisait au début du siècle dernier durant l'âge d'or de l'"Old Time".

Visiblement, trois ans après ce coup d'essai, il n'était guère question pour le duo de reproduire la formule. June & Lula (Céline et Tressy dans la réalité) ont opté pour une deuxième salve musicale moins à l'os, s'entourant d'un groupe – pas moins de sept personnes en studio par moment. Et surtout ont opéré un (petit) virage musical qui continue d'explorer la tradition américaine sur d'autres versants, mais aussi leur côté pop.

Le résultat en est en partie transfiguré, s'agrémentant ici ou là de quelques bonnes doses de swing à l'ancienne – terrain risqué quand on sait que ce terme peut rapidement devenir un gros mot (surtout quand Sanseverino vient faire un caméo sur l'album).

Chienne de vie

Mais avec ce sens de la provocation qui leur sied tant, leur paroles parfois crues, June & Lula étaient également faites pour les scies qui fleurent bon la Prohibition (No More, Flying Hat, Cursed Waltz).

De fait, c'est malgré tout quand elles sont le plus proche de la formule de départ qu'on est le plus touchés : guitare-slide et voix entrelacées comme sur Billy, aux airs d'ancestrales odes à cette chienne de vie comme l'Amérique en charrie depuis un siècle et demi et où la voix engorgée de Dick Annegarn vient pousser quelques notes. Ou quand leurs « feuilles jaunes » donnent des chansons automnales et mélancoliques à s'arracher les ongles (Yellow Leaves).

Même en présence d'arrangements subtils comme sur le splendide et crépusculaire The Moon who talked to the wind (Ode to Delphine), ses flûtes et ses cuivres plaintifs, perdure l'idée évidente dès leur premier album que le meilleur vecteur musical de June & Lula, c'est encore et toujours elles-mêmes. Soit cet entrelacs de voix : plante grimpante donnant l'impression de pouvoir pousser sur les sols les plus accueillants comme sur les moins fertiles. Et fleurir de mille façons.

June & Lula + Mountain Men, mardi 17 décembre à 20h30, à la Source (Fontaine)


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