Le temple du soleil

Avant les montres, téléphones, radios-réveils et horloges en tous genres, il y eut simplement le soleil. L'exposition "Voir midi à sa porte" au Musée dauphinois offre une plongée dans l'histoire, et dans la région, en présentant l'art du cadran solaire à travers les âges. Une tige, une ombre, une heure : un principe simple dans son fonctionnement mais d'une grande diversité dans ses formes, c'est ce qui ressort de la visite. Dimitri Crozet


À l'entrée de l'exposition du Musée dauphinois, quelques mots sur le soleil « plus grande horloge du monde ». Une introduction à un panorama général des différents types de cadrans solaires, formats poche ou XXL. Entre les panneaux explicatifs, des exemples soulignent la grande diversité du genre, des cadrans égyptiens aux gallo-romains. Dans cette diversité on se perd, parfois, entre plusieurs gnomons (le nom scientifique pour les cadrans solaires) puis l'œil est attiré par une demi-sphère taillée dans la roche. Mise en perspective salutaire, des sabliers ou lampes à encens sont également présentées. Le cadran ne fit pas d'ombre à ces autres formes, qui permettaient de mesurer un temps défini, cinq minutes ou une heure.

Autre variation plus intéressante encore mise en lumière, celle incarnée par les différentes manières de découper le temps. Des choix qui révèlent quelque chose des modes de vie en vigueur : ainsi l'influence de l'église, et de ses temps réservés au rite se firent ressentir sur la construction de certains cadrans solaires. Les devises inscrites sur les objets, recensées en 1036 dans un Recueil de 800 devises de cadrans solaires, soulignent tout autant la question du temps qui passe et du ressenti que cela implique, désinvolte ou fataliste. Un exemple parmi d'autres : « profite, l'heure ne revient pas ».

« Ô temps, suspends ton vol »

L'heure tourne, en effet, et la transition avec la seconde partie de l'exposition se fait par la présentation de deux cadrans à réflexion présents en Isère, à Saint-Antoine-l'Abbaye et au lycée Stendhal (Grenoble). L'Isère, c'est justement le sujet de la seconde partie vers laquelle on est aiguillés en passant devant une méridienne (un cadran qui n'indique que l'heure solaire de midi). Le musée met ici en avant le travail de l'Atelier Tournesol : travail d'inventaire des différents cadrans présents en Isère (ils étaient plus de 2000 à la fin du XIXe siècle), ou travail de fabrication comme sur les terrasses du Musée dauphinois où l'Atelier a reconstitué un cadran solaire incliné.

Si un écran interactif permet de voir les images des différents cadrans recensés dans le département, il s'agit surtout d'une invitation à s'intéresser à ce qui existe à côté de chez soi. « Puissent ces quelque 210 cadrans vous donner l'envie d'aller les voir sur place » souhaite le musée.

La lecture des panneaux successifs, parfois techniques et peu illustrés, pourrait être indigeste sans l'apport de quelques respirations. « Ô temps, suspends ton vol », l'extrait du poème d'Alphonse Lamartine fait partie de ces à-côtés qui permettent effectivement de suspendre le survol des cadrans solaires pour s'arrêter sur quelques détails: extraits de poèmes sur le temps, donc, mais aussi contributions poétiques recueillies via les réseaux sociaux, ou encore aquarelles de cadrans solaires par Thiébaut Schurch.

Objets historiques

En quittant l'exposition, on peut faire un dernier crochet par le cloître et un cadran multifaces de 1793, installé ici depuis 1968. Pas la peine d'essayer d'y lire l'heure : un cloître, lieu fermé et ombragé, curieux endroit pour un cadran solaire ! Le musée s'excuse d'ailleurs de sa mauvaise orientation. Reste pour avoir l'heure à posséder une montre (ou un téléphone, un radio-réveil, une horloge...), et l'inventivité de la forme de ce cadran multiple vaut malgré tout le détour.

Une remarque qui vaut pour l'ensemble de l'exposition : dépassés par l'horloge atomique, les cadrans solaires y acquièrent le statut d'objets historiques, voire artistiques avant tout. Moins qu'une explication scientifique sur le fonctionnement des cadrans, ressort de la visite une réflexion sur le temps d'une part, et d'autre part sur les objets atypiques que constituent les cadrans. Une invitation à regarder davantage le soleil, même les jours de pluie et sans risque de se brûler les yeux, ouverte jusqu'au 15 septembre 2014.


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