Une Grosse Semaine pour « évoluer collectivement » avec la scop l'Orage

La Grosse Semaine, c'est cinq jours de conférences gesticulées, de stages professionnels et d'ateliers autour de l'idée d'une éducation populaire. Autant de notions qui peuvent paraître nébuleuses, mais dont les fondements sont porteurs de beaucoup d'ambition. Rencontre avec Hugo Persillet, membre de la société coopérative de production L'Orage, organisatrice de l'évènement. Propos recueillis par Charline Corubolo


Lors d'une interview de Franck Lepage accordée au Petit Bulletin en 2012 pour la précédente édition de La Grosse Semaine, la notion d'« éducation populaire » est déjà avancée…

Hugo Persillet : Pour commencer, ce n'est pas éduquer le peuple. L'éducation populaire vise davantage à se demander comment nous pouvons faire pour nous co-éduquer mutuellement avec des méthodes populaires, dont l'un des enjeux principaux est de confronter nos acquis sociaux. C'est aussi une question de politique et de démocratie. Pour être citoyen, il ne suffit pas d'être né dans une démocratie et de savoir lire-écrire, il faut la pratiquer au jour le jour, apprendre à se réunir, à analyser et à prendre des décisions ensemble. L'éducation populaire, c'est la diffusion de principes et de techniques pour évoluer collectivement.

Dans cette volonté de dynamique collective, la scop (société coopérative de production) L'Orage est créée en 2007, un organisme de « (dé)formation professionnelle ». À qui s'adresse cette coopérative ?

L'Orage s'adresse à des professionnels qui ont des enjeux d'animations collectives. Une fois le contact établi, on se demande comment on peut faire pour pratiquer significativement la démocratie et pas seulement l'afficher. Aujourd'hui, on travaille aussi bien avec des MJC, des foyers sociaux, que des collectivités ou des syndicats. Et bien qu'on s'adresse aux professionnels, nos compétences sont mises à disposition de tous : chômeur, retraité…

Et depuis 2012 a été développée La Grosse Semaine, dont le gros de la manifestation repose sur des conférences gesticulées...

La conférence gesticulée est une invention de nos coopératives. C'est une représentation à mi-chemin entre la conférence et le théâtre. Dans la forme, c'est populaire puisque ça reprend les bases du stand-up, voire du one-man-show, et dans le fond, ça s'articule comme une conférence, avec des recherches en amont. Une fois sur scène, une personne, souvent seule, tient un propos politique qu'elle incarne, qu'elle a vécu. C'est un mélange de savoir « chaud » et de savoir « froid ».

Votre démarche affiche clairement un aspect militant. Quelle est la revendication principale de La Grosse semaine ?

C'est difficile de répondre tel quel à cette question, mais pour ma part, je dirais que si on a une revendication qu'on porte haut et fort, c'est de faire une place de plus en plus grande à la parole citoyenne. Qu'on fasse tout pour mettre en œuvre une synergie, que les gens se réunissent pour s'occuper de leur propre vie, de ce qui les concernent, qu'ils délèguent de moins en moins leur pouvoir mais au contraire se le réapproprient, voire agissent. Le propos transversal de cette semaine, c'est que nous avons la capacité d'agir collectivement. La Grosse semaine réunit des personnes de toute la France, qui agissent de manière un peu invisible sur leur propre territoire, et qui viennent pour donner une force collective afin de créer de la transformation sociale. Prenons les choses en main et agissons, prenons la place. De nos jours, il y a de plus en plus de méfiance vis-à-vis de la délégation du pouvoir, la réponse c'est le collectif.

Et selon vous, la démocratisation culturelle est une fausse ouverture…

C'est une question importante. En gros, la démocratisation culturelle ne marche pas, tous les chiffres officiels le disent, les pratiques culturelles des français n'ont pas bougé depuis 40 ans. Depuis qu'on a inventé le concept de politique culturelle, il n'y a aucun résultat. Nos pratiques sont liées à nos conditions sociales, il y a une reproduction terrible entre situation sociale et pratique culturelle. L'idée de faire « progresser » quelqu'un par la culture, de l'émanciper, est un leurre. C'est pour cela, aussi, que nous cherchons à créer de la transformation sociale. Par ailleurs, l'un des gros problèmes des politiques culturelles est que le soutien est réduit à la pratique artistique, ce qui me paraît très limité comme définition de la culture. Car culture n'est pas synonyme de pratique artistique. Il est primordial de mener une réflexion de fond, à savoir qu'est-ce que c'est que la culture et à quoi ça sert.

La Grosse Semaine, jusqu'au samedi 25 janvier à Grenoble. Plus d'infos sur http://scoplorage.org/


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