La vie pas si tranquille


« Pourquoi que chacun il ne viderait pas sa poubelle ? Pourquoi faut-il qu'il y en ait qu'une seule qui vide les chiures de cinquante autres ?  » Bah oui, pourquoi ? C'est que Madame Dodin, concierge qui n'a rien d'affable, n'en peut plus de faire ce job. Surtout que les habitants de son immeuble parisien ne font pas grand-chose pour lui faciliter la tâche – enfin, selon elle.

Avec Madame Dodin, Marguerite Duras raconte une époque (les années 50), un monde (celui des travailleurs invisibles), une certaine hiérarchie sociale, inéluctable. La nouvelle de 1954, tirée du recueil Des journées entières dans les arbres, est un écrin à citations, tant l'auteure a nourri son texte de répliques puissantes et excellemment bien écrites. La metteuse en scène Véronique Kapoian-Favel et l'auteur Sarah Fourage ont adapté les mots de Duras pour les porter sur le plateau, et donner vie à quatre personnalités, entre dialogues et narration : la concierge donc, mais aussi un balayeur et deux voisines, dont Duras elle-même.

En découle une pièce d'une grande force, notamment grâce à l'interprétation de Véronique Kapoian-Favel qui campe le rôle titre avec tout ce qu'il faut de gouaille et de caractère pour le rendre crédible. Il suffit de quelques minutes, d'un brin de décors et de costumes, pour installer le hall d'immeuble qui fera office de scène à Madame Dodin, actrice sans le savoir. Si certains partis pris sont discutables (pourquoi avoir rendu le personnage de Duras si plat, si gnangnan ?), l'ensemble se tient de bout en bout, en étant on ne plus fidèle à l'univers marqué de Duras.

Aurélien Martinez

Madame Dodin, jusqu'au samedi 15 février au Tricycle / Théâtre 145


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Berlinale 2014, jour 1 : dépaysement