À mots contés

En croisant avec finesse le théâtre et les arts numériques, Cyril Teste s'adresse désormais au jeune public avec "Tête haute". Et raconte comment une petite fille grandit en affrontant ses peurs. Bienvenue au pays des rêves. Nadja Pobel


En retrouvant l'auteur Joël Jouanneau avec lequel il avait déjà collaboré pour Sun (spectacle créé en 2011 au Festival d'Avignon et inédit à Grenoble), Cyril Teste poursuit son travail sur l'enfance mais s'adresse cette fois-ci directement aux petits. Sun, largement défendu dans les colonnes lyonnaises du Petit Bulletin, comme dans celles de très nombreux confrères, était une émanation d'un fait divers réel de deux enfants ayant décidé d'aller se marier en Afrique. Déjà les arts numériques étaient omniprésents, permettant de créer des sensations plus encore qu'un récit linéaire.

Cyril Teste possède cette part d'onirisme qui, l'air de rien, se raréfie sur les scènes, notamment vis-à-vis du jeune public tant des pièces réalistes, didactiques, des fables écologistes fleurissent. Le théâtre n'est pas là pour éduquer, mais pour éveiller aux sens : c'est semble-t-il guidé par cette envie que le metteur en scène du collectif MxM a construit Tête haute. Une petite fille se plonge dans un abécédaire, récite des listes de verbes avec un bonheur non dissimulé. Elle apprend et en redemande. Au plateau, la comédienne joue avec les lettres qui dégringolent sur un écran, tentent d'attraper des oiseaux venant l'effleurer dans un mouvement perpétuellement interactif avec la technique.

Décalque

Dans cette boîte noire qu'est le théâtre, Cyril Teste pose son dispositif qu'on imagine complexe mais qui reste discret pour qu'émerge cette histoire du roi de fer et de sa fille abandonnée. Cette dernière va retrouver le chemin du royaume de sa naissance après avoir traversé une forêt (appelée une « lande », faisant écho au Roi Lear et à sa traversée solitaire) et surmonté ses peurs. Au plateau, elle évolue en ombres chinoises derrière un écran blanc, se cogne aux arbres, monte même en bateau et rencontre ce roi, presque double de Daniel Emilfork échappé de La Cité des enfants perdus de Caro et Jeunet qui provoque l'hilarité du jeune public.

Le maître-mot de cette aventure est « inventer », donc faire preuve d'imagination comme le font les artistes bien sûr, mais surtout comme sont encouragés à le faire les enfants à qui il revient d'écrire la suite de la relation entre ces deux personnages. Revendiquant le sensible comme matière première de ce spectacle, Jouanneau écrit qu'hier se situe « dans la tête, aujourd'hui dans le cœur et demain dans les pieds ». Ce spectacle d'un peu moins d'une heure est un voyage dans lequel les contes ancestraux auraient rencontré les nouvelles technologies. Pour le meilleur.

Tête haute, jeudi 27 et vendredi 28 février à 14h30 et 20h, à l'Hexagone (Meylan)


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