Histoires de bretelles

Et si les bretelles de soutien-gorge en avaient long à conter ? L'exposition "Bretelles et fabulations" au Musée dauphinois fait parler les rubans. Léa Ducré


"rébecca (!) fabulatrice" n'est pas de celles qui s'accrochent au fil de l'histoire. Elle préfère faire des histoires avec des bretelles. Des bretelles de soutien-gorge, roses ou rouges vif de préférence.

En trois installations (Trouver Raiponce, Corps cloîtrés et Galerie du temps, magasin général) et quelques milliers de bretelles, l'artiste nous livre l'histoire du Musée dauphinois. À l'entrée, une Raiponce exhibe sa chevelure de rubans écarlate. Le conte des frères Grimm permet d'aborder les figures de la femme enceinte, cloitrée et visitée : des thèmes qui font écho au passé de l'ancien couvent de Sainte-Maire-d'en-haut.

Plus loin, dans le hall après l'exposition Les Dessous de l'Isère, les anciens outils de l'industrie textile n'ont pas échappé à l'enrubannage. Rouets, œufs et métiers à broder, mains de fer, têtes inusables, lessiveuses : tout de bretelles parés, les objets portent une poésie et une sensualité nouvelles. Hommage fripon aux petites mains de la confection et aux rêves qu'elles ont pu faire le dos courbé sur leur ouvrage.

Rébecca Plisson fabule en bretelles jusque dans le chœur des Visitandines. Dans les niches que les statues ont désertées, elle a installé des bustes attifés de ses rubans fétiches. Ainsi, enturbannées de fuchsia, les rondes-bosses interpellent. Difficile de dire si elles sont nues, en dessous affriolants ou écorchées vives, les bretelles comme des tendons. « C'est une façon d'évoquer le corps des soeurs cachés, oubliés derrière l'habit religieux » explique la jeune plasticienne. Parler du corps dans le chœur, il fallait oser.

À chacun son histoire de bretelle

La pudeur interdisait autrefois que soit aperçue la moindre bretelle. Les petites bandes de tissus ornent, glissent ou claquent sur les peaux nues. Éminemment suggestives. Si "rébecca (!) fabulatrice" aime dévoiler ces lanières qui sont longtemps restées cachées, c'est pour « explorer la frontière entre l'intimité et l'extériorité ». La rencontre entre la bretelle et l'artiste s'est déroulée il y a quelques années dans une asso de récup. « Il y en avait des grappes entières. » Sous le charme de leur toucher sensuel, leurs couleurs charnelles et l'imaginaire qu'on leur attache, elle décide de s'en servir pour entrer « en fabulation ».

À leur seule évocation, on voit immédiatement s'esquisser des sourires malicieux. « Tout le monde a une histoire avec les bretelles » confie Rébecca Plisson. Grâce à ces coquins atours et beaucoup d'humour, l'artiste parvient à toucher les visiteurs, leurs projections et leurs fantasmes.

Bretelles et fabulations, jusqu'au 30 juin au Musée dauphinois


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