Tout est permis


Visiblement en pré-retraite du cinéma de fiction, Coline Serreau met désormais toute son énergie au service de documentaires engagés où le fond compte plus que la forme. Le précédent, Solutions locales pour un désordre global, souffrait de ce manque d'ambition cinématographique et n'apportait pas grand-chose au sujet, déjà passablement labouré par une armée de cinéastes avant elle.

Curieusement, alors que Tout est permis semble plus anecdotique (Serreau y confronte, par le biais d'un montage dialectique et efficace, chauffards de tous âges et de toutes les origines sociales en stage pour récupérer des points sur leur permis de conduire, spécialistes de la prévention routière et graves accidentés de la route), il est au contraire bien plus passionnant. La cinéaste y met à jour quelque chose du mal français contemporain : la mauvaise foi avec laquelle des coupables se font passer pour des victimes, renvoyant leur (ir)responsabilité individuelle sur une obscure magouille de l'État, tantôt vu comme l'Oncle Picsou, tantôt comme un empêcheur de jouir en roulant.

En leur laissant la parole dans une mise en scène brute de chez brute – moche de chez moche, diront certains, et ils n'auront pas tout à fait tort – Serreau leur permet d'aller au bout de leur ânerie, avant de les sécher brutalement en les confrontant à des faits irréfutables. Le constat fait toutefois froid dans le dos : bien tranquilles dans leur cage en métal, les préjugés les plus réacs (machisme, poujadisme) et les procédés les plus douteux (le lobby de l'alcool comme celui de l'industrie automobile) continuent à tailler ensemble une route mortelle et destructrice.

Christophe Chabert

Tout est permis
De Coline Serreau (Fr, 1h36) documentaire


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