L'auteur était presque parfait


Au début du Linguiste était presque parfait, le « génie en résidence » Jeremy Cook est chargé de faire visiter à un journaliste l'Institut Wabash, une crèche expérimentale de l'Indiana où d'illustres linguistes soumettent les « areuh-areuh » de bambin à des études sur la naissance du langage. Lorsque le journaliste lui demande s'il peut lui présenter ses collègues, Cook répond « Allons plutôt les voir. Les mots ne leur rendraient pas justice ». Ce qui pourrait être la réponse à la question : « Quel est le comble pour des linguistes ? ». En une ligne, David Carkeet annonce la couleur : les membres de l'Institut Wabash ne sont qu'une bande de farfelus totalement en rupture avec la réalité et Cook ne vaut guère mieux. Il est totalement à côté de la plaque dès lors qu'il ne s'échine pas à percer le mystère de la signification du « mboui ! » régulièrement énoncé par le jeune Wally. Il lui faudra pourtant en résoudre deux autres : pourquoi a-t-on retrouvé l'un de ses collègues mort et scalpé dans son bureau à lui – ce qui fait de Cook le suspect numéro 1 ? Et surtout, qui a osé dire à la belle Paula, qu'il convoite, que « Cook est parfait un trou-du-cul » ? Ici, au pays des linguistes, on l'apprend vite, tout est signifiant, des noms des personnages au plus énigmatique des babils.

 

Car pour Carkeet, le David Lodge des linguistes, le langage est certes source de tous les maux mais aussi clé de tous les mystères – tout dépend comment on l'utilise. La preuve dans le deuxième volet des aventures de Cook, Une putain de catastrophe. Wabash a fermé ses portes et Cook, désœuvré et ravagé par la récente critique d'un confrère de sa théorie relative aux « adverbes Kickapoo », accepte la mission de l'Agence Pillow : tenter de sauver le mariage de Dan et Beth, un jeune couple du Missouri, dont le système de communication est en sérieux péril. Ça tombe bien, Cook, misanthrope notoire, est lui-même titulaire d'un master en naufrage amoureux – où l'on retrouve Paula. Mais le voilà jouant les limiers à la poursuite de "L'HORREUR", ce monstre qui mine tous les couples de l'intérieur. Il écoute, parle, parfois pas assez, parfois beaucoup trop, participe à la vie de la famille. Et à mesure qu'on se tord de rire – « quiconque ne rit pas en lisant David Carkeet doit se faire prendre le pouls » a écrit l'auteur et critique Carl Hiaasen –, Carkeet réussit le miracle d'émouvoir pour de bon avec de ce couple (pas si) à la dérive et cette bouée de linguiste qui s'y accroche moins pour le sauver que pour se sauver lui-même.

 

Le Linguiste était presque parfait (Monsieur Toussaint Louverture)

 

Une putain de catastrophe (Monsieur Toussaint Louverture). En librairie le 6 mai.

 

The Error of our ways troisième épisode des aventures de Jeremy Cook devrait paraître en France l'an prochain.


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À quoi sert Vues d’en face ?