Les Trois sœurs du Yunnan

De Wang Bing (Chine, 2h33) documentaire


Selon une expression à l'ambivalence pesée, Les Trois Sœurs du Yunnan est un film qui "se mérite". Autrement dit, sa beauté n'est pas à la portée du premier venu, qui risque de fuir devant sa durée fleuve – quoique Wang Bing a fait beaucoup plus long par le passé – et son absence de dramaturgie.

Pendant plus d'un an, le cinéaste a filmé trois enfants dans la province du Yunnan, contrée chinoise reculée et laissée à l'abandon par le pouvoir central ; il en a ramené une matière faite de rituels quotidiens (jeux, repas, épouillage, promenade de chèvres, rentrée d'école) et de rares événements dramatiques (le départ du père avec deux des filles à la ville, son retour avec une nouvelle femme et les propres enfants de sa nouvelle épouse), le tout dessinant une chronique sans fard mais pas misérabiliste non plus d'une famille où l'absence de la mère est à la fois criante et inexpliquée.

On se sent presque coupable de dire que l'on souffre devant ces séquences sans fin où il ne se passe absolument rien, tant on sent que le projet de Wang Bing est juste et important, à savoir ramener sur les écrans ceux que la Chine contemporaine, libérale et autoritaire, voudrait cacher aux yeux du monde. Mais il faut être honnête : si la démarche est louable, arriver au bout du film sans l'avoir quitté le temps d'une micro-sieste ou d'une pause clope est presque un challenge.

Christophe Chabert


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