Théâtre en tous genres

Cette semaine à l'Espace 600, la metteuse en scène grenobloise Émilie Le Roux dévoile son passionnant projet "Boys'n'girls", sous-titré « conformité – indentité – liberté ». Avec trois formes théâtrales courtes, dont une lecture très juste du "Tabataba" de Bernard-Marie Koltès. Aurélien Martinez


Les réflexions autour du genre et de ses représentations (qu'est-ce qui nous rend homme ou femme au-delà de notre sexe biologique ?) agitent fortement notre société, entre débats nécessaires et fantasmes complètement dingues. Prendre la question par le biais artistique est une option sensée pour déplacer les enjeux, permettant ensuite d'ouvrir un espace de discussion moins réducteur qu'un simple pour ou contre. Comme on a pu le constater après une représentation de Tabataba de Bernard-Marie Koltès, l'un des auteurs de théâtre français contemporains les plus intéressants, par la compagnie Les veilleurs d'Émilie Le Roux.

L'histoire d'une sœur déstabilisée par le comportement de son frère non conforme aux représentations qu'elle se fait de la masculinité. « Pourquoi tu ne sors pas, la nuit, quand tous les garçons de ton âge sont déjà dans la rue en chemise, avec le pli du pantalon bien repassé, et qu'ils tournent autour des filles ? Tout Tabataba est dehors, tout Tabataba est bien habillé, les garçons draguent les filles et les filles ont passé le jour à se coiffer et moi, mon frère a de la graisse plein les pattes et il bricole sa machine. Honte sur moi, on va croire que je ne sais pas repasser les chemises. »

Ouverture

Au centre de la scène, une moto que bricole le frère, impassible devant les remarques de sa sœur. Avant qu'il ne se décide finalement à l'affronter, et dévoiler alors la vision que lui se fait de la féminité. En moins de trente minutes, les deux comédiens installent une tension palpable et un enjeu dramatique fort, grâce notamment à la dramaturgie à plusieurs niveaux de lecture de Koltès, qui visiblement ne souhaitait pas livrer une pièce à thèse, mais simplement faire du théâtre. Ce que fait aussi Émilie Le Roux, en se servant de ce moyen d'expression pour interpeller le public avec son projet Boys'n'girls dont Tabataba est l'une des parties. Un projet initié suite à une rencontre avec des collégiens « aux représentations de la féminité et de la masculinité si normées qu'aucune discussion n'était possible » (extrait de la note d'intention). Le théâtre donc, comme possibilité d'ouverture.

Sans contrefaçon

Trois courtes pièces seront ainsi réunies le temps d'une soirée : Tabataba, mais aussi Tumultes de Sabine Revillet (encore une histoire de frère et de sœur, décidant cette fois-ci de se rebeller contre l'éducation trop normée de leur parents) et la forme hybride Boys'n'girls prologue mêlant chansons (Blur, Mylène Farmer, Françoise Hardy...) et textes (Sylvain Levey, Philippe Dorin, Catherine Zambon...). Un ensemble que nous n'avons pu découvrir que partiellement et qui semble réaffirmer avec force l'un des rôles primordiaux du théâtre (et de toute forme artistique) : l'analyse du monde qui l'entoure.

À noter que la saison prochaine, Émilie Le Roux montera Mon frère, ma princesse de Catherine Zambon, texte jeunesse que nous avons découvert grâce au collectif Troisième bureau et qui prolonge avec finesse cette réflexion. Mais on en reparlera en temps voulu.

Boys'n'girls, jeudi 24 et vendredi 25 avril à 19h, à l'Espace 600


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