Rencontres (Brel) au sommet

Pas exactement raccord avec l'idée que l'on se fait d'un plat pays, les Rencontres Brel officient depuis maintenant 27 éditions au cœur de la Chartreuse. En tout éclectisme. Et avec des frites. Stéphane Duchêne.


Rien ne vaut, dit-on, les frites des Rencontres Brel... Normal puisqu'il s'agit d'une certaine manière de rendre hommage à la Statue du Commandeur du Plat Pays. Du moins de le placer en gardien de l'événement – il paraît même que les artistes invités ont obligation contractuelle de poser un renard avant de monter sur scène, mais cette dernière information reste à vérifier (« J'ai chanté dix-sept ou dix-huit ans, mais j'ai été vomir avant chaque tour de chant » a déclaré un jour Brel).

 

Sur les Rencontres Brel, depuis plus de 25 ans, plane donc une ombre dont les grands bras tendus suffiraient à éclipser dix générations de musiciens. Et le fait est que de la programmation de cette édition, d'un strict point de vue musical, se dégage comme une aura mystique. Comme si ces Rencontres étaient placées sous le signe du 3e ou du 4e type. De quelque chose d'un peu étrange. Il y aura même des fantômes, ceux des grandes figures du Buena Vista Social Club dont les survivants donnent leur tournée d'adieu, et ceux de la langue acadienne, ravivée par la folkeuse Lisa Leblanc. Puis des signes de transsubstantiation que fera clignoter un Julien Doré comme toujours en mode christique – certains diraient christophiques, ce qui est un peu pareil.

 

Dead Man / Chinese Man

 

Pour couronner le tout, Piers Faccini, l'un des plus délicats talents de l'hexagone (on rappelle que l'Anglo-italien vit dans les Cévennes d'où il conduit avec maestria et humilité son époustouflant petit artisanat folk), enroulera ses douces mélopées autour des piliers de l'église Saint-Hugues.

 

Harold Martinez, Cévenol lui aussi, trimballera la dépouille jarmuscho-youngienne de son Dead Man comme il le fait depuis la sortie de son album éponyme, au gré de titres qui sont autant d'oraisons funèbres poussés d'un timbre d'outre-monde.

 

Venus d'un peu plus au Sud, de Sète, les Mountain Men rendent eux hommage à un autre fameux trépassé dont la tombe surplombe l'azur de la Méditerranée et les mots pas mâchés le charbon des humeurs (faussement) mauvaises : Georges Brassens. Mais c'est pour mieux, au moyen de leur blues du Delta – si bleu lui aussi – mais si peu montagnard pour des Moutain Men, transformer les natures mortes du chanteur en élixir de vie.

 

Les Rencontre Brel en somme, où l'on croisera aussi en tout éclectisme Maxime LeForestier, Chinese Man, Amparo Sanchez ou encore Danakil, c'est à la vie à la mort. Et ce, comme disait le grand Jacques : « jusque dans le cœur des frites » – sauf qu'à Saint-Pierre-de-Chartreuse, air de la montagne oblige, ça sent pas la morue.

 

Les Rencontres Brel, du mardi 22 au dimanche 27 juillet, à Saint-Pierre-de-Chartreuse


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