La tentation du théâtre

C'était la révélation du Festival d'Avignon 2013. Une adaptation improbable et inespérée des "Particules élémentaires", deuxième roman de Michel Houellebecq qui contient tous les autres. Le genre de spectacle qu'on aime voir avec une mise en scène au service d'un texte où l'énergie n'est pas le seul moteur. Nadja Pobel


Des paroles et des actes. À voir les nombreuses créations de la jeune génération de metteurs en scène au cours de ces dernières années, il semblerait que l'écriture théâtrale classique dialoguée ne soit plus un prérequis. Pièce emblématique de ce constat : Les Particules élémentaires, événement à plus d'un titre. 

Houellebecq n'a pas quarante ans quand il écrit son deuxième roman, hybride à deux têtes où, à travers les vies de deux frères, l'une hippie, l'autre trop calibrée, se dessinent le désenchantement, l'annihilation du bonheur et l'avènement du clonage scientifique. Véritable gifle, sans concession avec son époque mais parcouru par un souffle romanesque évident, ce livre n'avait jamais été porté à la scène en France alors que nos voisins européens (et notamment les Allemands) s'en sont depuis longtemps délectés.

En 3h40 

Il a fallu attendre que Julien Gosselin sorte de l'école du Théâtre du Nord, à Lille. L'an dernier, dès son deuxième spectacle, à vingt-six ans, il a pris à bras le corps ce bouquin paru alors qu'il n'était encore qu'au collège. Et il ne l'a pas fait en catimini mais lors du festival le plus médiatisé qui soit : Avignon. En 3h40, avec dix comédiens et un musicien au plateau. Bien sûr, sa mise en scène contient des marqueurs de son temps parfois trop prévisibles : des micros HF sur les acteurs, de la vidéo (mais pas trop), quelques corps dénudés (comment peut-il en être autrement avec Houellebecq ?). 

Mais Gosselin a su ne pas tomber dans la caricature : s'il singe presque l'écrivain, incarné au plateau dans son inusable parka, il sait aussi ralentir le rythme de son spectacle pour se focaliser sur la relation de duos de personnages laissant affleurer des émotions fortes, voire des larmes. Et faire rejaillir la puissance de cette œuvre qui contient toutes celles à venir de l'auteur.

Les Particules élémentaires, du mardi 10 au samedi 21 mars, à la MC2


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