« John Lennon et Monteverdi à égalité »

Après une première série de concerts l'an dernier, dont un PB Live lyonnais à la Chapelle de la Trinité, et après la sortie d'un disque de leurs splendides reprises, Rosemary Standley et Dom La Nena reviennent pour une série de concerts "Birds on a wire" qui passe notamment par Grenoble. Retour avec celle qui est aussi la chanteuse de Moriarty sur la genèse de ce singulier projet violoncelle-voix qui convoque Monteverdi et John Lennon, Leonard Cohen et Purcell, Os Mutantes et Tom Waits. Propos recueillis par Stéphane Duchêne


Comment est né le projet Birds on a Wire ?

Rosemary Standley : Au départ, c'est une initiative de Madame Lune [producteur de concerts et du festival Les Rendez-vous de la Lune –  NdlR]. J'ai commencé avec la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton mais elle a dû arrêter et a pensé à Dom La Nena pour la remplacer. Notre première répétition a été déterminante. Dom vient du classique mais a accompagné beaucoup d'artistes pop en tant que violoncelliste : Piers Faccini, Jane Birkin, Camille… Son oreille et son ouverture dans sa façon de jouer laissaient entrevoir un très grand champ de possibilités.

Vous semblez avoir une inclination particulière pour l'exercice de la reprise, que ce soit avec Moriarty (dont le récent album est un album de reprises et dont on se rappelle la version du Enjoy The Silence de Depeche Mode) ou vos derniers spectacles (Queen of Heart au Théâtre de la Bastille à Paris, et de nouveau en tournée)...

Oui, depuis toujours ça fait partie de moi. Je suis née dans une famille où la musique était omniprésente. Mon père est musicien, je l'ai toujours entendu faire ses propres chansons et jouer celles des autres. Petite, je chantais des chansons de Neil Young, de Bob Dylan... J'ai toujours trouvé très agréable de me positionner simplement en tant qu'interprète.

En quoi ce plaisir est-il différent de celui d'interpréter vos propres chansons ? 

Ca n'a rien à voir. Quand vous interprétez vos propres textes, il y a un enjeu personnel, une mise à nue de votre intimité. Chanter les textes des autres – que vous ne choisissez pas par hasard non plus mais parce ça fait écho à quelque chose en vous – c'est une façon de se dévoiler autrement et peut-être d'aller plus loin dans l'interprétation. Tout le plaisir de la reprise réside dans le fait d'amener un morceau à soi, de le détourner, d'y mettre des sons qui viennent d'ailleurs. Une bonne reprise est une création, une chanson dont on a l'impression qu'elle est nouvelle et puis, au milieu, on se dit "ah, non mais en fait, je la connais" (rires).

Ce spectacle contient une quinzaine de chansons, qui vont de Leonard Cohen au baroque italien, de Purcell à John Lennon, d'Os Mutantes à Tom Waits. Comment les avez-vous choisies ?

D'abord, ce sont des morceaux sublimes. Certains, comme Monteverdi, font partie d'un répertoire que j'ai pu travailler en conservatoire mais que je n'aurais jamais eu l'occasion de chanter autrement. Finalement, on y trouve très peu de musique folk.

Vous connaissant, c'est surprenant...

Je ne voulais pas jouer cette carte-là, parce qu'on me connaît pour ça et que je trouvais plus intéressant de m'attaquer à un répertoire sur lequel on ne m'attend pas forcément. Mais la raison principale de mes choix, c'est que ce sont vraiment des chansons constitutives de ma personne. Ce qui est amusant, et dont je ne me suis rendu compte qu'après coup, c'est qu'il ne s'agit quasiment que de chansons écrites par des hommes pour des femmes, des lettres d'amour déçu.

S'attaquer à des monstres sacrés tels que Monteverdi ou Purcell en mode violoncelle-voix ne vous a pas effrayée ?

Quand on se confronte à Monteverdi, à Purcell, on est forcément face à des monuments. Le risque, c'est de se présenter devant des fanatiques de ces compositeurs qui considèrent que ces morceaux doivent être joués comme ils ont été écrits. Pour moi, c'est un peu plus poreux. L'idée est de les amener vers quelque chose de plus contemporain.

C'est un processus compliqué ?

C'est compliqué si on se met une barrière et si on a une démarche prétentieuse. Avec Dom, on a travaillé à l'oreille et à partir de partitions pour trouver le meilleur moyen de nous les approprier. Avec la contrainte qu'on s'était imposée, l'équation était simple : on a une voix et un instrument, comment on fait ce morceau-là, de manière extrêmement directe et simple ? Mais ces versions restent respectueuses de leur auteur tout en ramenant chaque morceau, quel que soit son genre, au format chanson. Du coup, John Lennon et Monteverdi se retrouvent d'une certaine façon à égalité.

Birds on a wire, mercredi 1er octobre à 19h30, à la MC2


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