Vie sauvage

Cédric Kahn s'inspire de l'affaire Fortin pour relater la cavale d'un père et ses deux fils qui fuguent loin de la ville, trouvant refuge dans une communauté de néo-hippies. Un film qui tourne un peu trop autour de son sujet, malgré un Kassovitz époustouflant et des moments poignants. Christophe Chabert


Dans l'introduction coup de poing de Vie sauvage, Cédric Kahn retrouve l'énergie et la vitesse d' Une vie meilleure, son précédent et très beau long-métrage. Une femme (Céline Salette, toute en dreads crasseuses, dont l'absence marquera durablement le reste du film, preuve de sa qualité avérée de comédienne) quitte précipitamment sa caravane en emportant ses deux enfants pour se réfugier chez ses parents. Caméra à l'épaule sportive chevillée à des corps tremblants et frénétiques, à la limite de l'hystérie : Kahn rappelle ce que son cinéma doit à Pialat, sensible dans tous ses premiers films.

Le cinéaste maintient cette nervosité jusqu'à ce que le père des gosses (Mathieu Kassovitz) les kidnappe à son tour. Ils trouvent refuge à la campagne, dans une communauté de hippies contemporains, avec cracheurs de feu et joueurs de djembé, altermondialistes radicaux ayant rompu les ponts avec la modernité. Ce n'est pas qu'une planque commode ; c'est aussi un vrai choix de la part de ce paternel parano qui vomit la société de consommation et le confort bourgeois, lui préférant cette « vie sauvage » à la dure autant qu'à la cool.

Kasso, extrémiste écolo

Le film ne semble plus savoir alors quel point de vue adopter et, de fait, quel sujet choisir : le regard, d'abord enthousiaste, puis lassé des enfants face à cette existence bohème, ou celui du père, dont les convictions se muent en certitudes bornées. Dans le premier, on est face à un récit d'apprentissage naturaliste pas follement original et même parfois ennuyeux, surtout quand, à la faveur d'une énorme ellipse, Kahn fait grandir les deux gamins et les transforme en adolescents à la rébellion inversée – ils veulent consommer, se distraire, avoir une copine, etc.

En revanche, avec le père, et grâce à la prestation fiévreuse, inquiétante, prodigieuse de Mathieu Kassovitz, Kahn touche du doigt une critique fine et nuancée de cet extrémisme écolo pour qui le retour à la nature est un absolu égoïste et destructeur. Un personnage monstrueux et pourtant humain autour duquel le film hésite à graviter, comme s'il avait peur de se faire aspirer par ses ambiguïtés. Dommage, car Vie sauvage trouve, lorsqu'il le met au cœur de ses plans, une force que seule la fin, poignante, parvient à égaler.

Vie sauvage
De Cédric Kahn (Fr, 1h46) avec Mathieu Kassovitz, Céline Salette, David Gastou…


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