La mélancolie proprette d'Oncle Vania


Dix lampes, quatre niveaux de murs, une prise électrique au sol (qui aura bien une utilité à un moment) : pendant les 2h30 que dure l'Oncle Vania de Tchekhov mis en scène par Éric Lacascade, on a eu le temps de contempler le décor dans ses moindres détails. De constater aussi que Lacascade est un solide metteur en scène, comme on a pu s'en rendre compte ces dernières années à la MC2 avec Les Estivants de Gorki ou Tartuffe de Molière. D'apprécier enfin le jeu des comédiens – notamment la gouailleuse Norah Krief ou le magnétique Éric Lacascade lui-même. Un spectacle bien mené donc, qui manque pourtant d'élans malgré la nouvelle traduction signée André Markowicz et Françoise Morvan. Ce portrait d'une petite bourgeoise campagnarde et intellectuelle est un pur produit tchekhovien (même si c'est loin d'être le plus captivant de l'auteur russe) que Lacascade adapte fidèlement – avec pas mal d'humour en prime.

Pour un néophyte en Tchekhov ou un admirateur de théâtre proprement fait (il y en avait le soir de la première à la MC2 au vu du très bon accueil reçu), cet Oncle Vania a quelques atouts. Mais de notre côté, on préfère quand ce théâtre des tourments est moins lisse ; quand il transpire, emporte, tranche dans le lard et se confronte avec son temps – c'est généralement à ce moment-là que quelqu'un arrive avec l'argument paresseux de l'actualité jamais démentie des grands auteurs (« t'as vu comme Tchekhov était avant-gardiste sur les questions écologiques ? C'est dingue ! »). Même si, attention, on n'a rien contre le théâtre de répertoire quand il est habilement pensé – la preuve ici ou par exemple.

Sinon, finissons de façon positive : sur les questions qu'aborde Tchekhov (les frustrations de chacun sur la vie qu'il aurait pu avoir), on conseille plutôt l'excellent Un été à Osage County de Dominique Pitoiset d'après un texte de l'Américain Tracy Letts, prix Pulitzer de la meilleure pièce de théâtre en 2008. Mais on reparlera en temps voulu de ce poignant drame familial qui sera joué début mars à la MC2.

Oncle Vania, jusqu'au dimanche 16 novembre à la MC2


<< article précédent
Eden