Quand Cronenberg filmait une paire de schizos…


Auréolé du succès critique et public de La Mouche, film de commande qu'il avait habilement su détourner pour en faire une tragédie horrifique, David Cronenberg passe à la vitesse supérieure en 1988 avec Faux-semblants, où il inaugurait la part la plus personnelle de son œuvre. Lui qui jusqu'ici en passait par des allégories fantastiques pour parler des questions qui le taraudaient – de la révolution sexuelle de Frissons à l'emprise de l'image sur le corps dans Videodrome – aborde frontalement le drame de deux jumeaux inséparables, chirurgien et gynécoloque dans une clinique de Toronto, dont les liens fusionnels vont voler en éclats après leur rencontre avec une actrice infertile.

Seul effet spécial à l'écran : Jeremy Irons, qui se multiplie par deux pour incarner les frères Mantle dans une prestation vertigineuse de finesse. Il y a quelque chose de presque bergmanien dans la manière avec laquelle Cronenberg observe cette passion irrationnelle et destructrice où le sexe, la jalousie et la peur de l'abandon dansent une valse morbide dont l'issue ne peut qu'être tragique. La lenteur opératique de la mise en scène alliée à la verve pince-sans-rire du dialogue et à quelques images indélébiles donnent déjà à Faux-semblants des allures de classique.

Christophe Chabert

Faux-semblants
De David Cronenberg (1988, Can, 1h56) avec Jeremy Irons, Genevieve Bujold…
Mercredi 19 novembre à 20h, au CCC


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