Requiem pour un Rien

« Voilà c'est fini », comme disait l'autre. Fin du compte à rebours. Le 1er décembre, Rien mettra un terme à 15 ans d'activisme rock. Le groupe grenoblois désormais culte peut être sûr d'une chose : on regrettera Rien. Stéphane Duchêne


Dans le parodique Éloge de Rien (éditions Allia), livre dédié à « Personne » à posséder absolument dans la bibliothèque de ses toilettes – aux côtés de Lire aux Cabinets d'Henry Miller, du Dictionnaire des idées reçues de Flaubert, celui du Diable d'Ambrose Bierce, du Guide de survie en territoire zombie, du Tao Te King et de Kiki fait caca – on prend en pleine figure une vérité rhétorique : « Rien est la plus belle des œuvres poétiques, parce que qu'est-ce qui est plus beau que l'Illiade ? Rien. »

Poursuivons plus avant cette logique et appliquons-la à la disparition programmée par lui-même du groupe grenoblois Rien dont le compte à rebours fut officiellement lancé il y a un an sur le mode Suicide : Mode d'Emploi – autre livre à mettre dans ses toilettes. D'un point de vue très prosaïque, Rien donnera son ultime concert à la Bobine, ce 1er décembre, qui sera donc aussi le dernier et c'en sera fini de Rien. Vraiment ? Même en écartant l'hypothèse de la blague de longue haleine, et si Rien n'était moins sûr ? Car que restera-t-il de Rien après la dissolution de Rien ? Rien, justement. Vertigineux non ?

Interstices

La preuve surtout que ce groupe indispensable a su résoudre la quadrature de tous les cercles qui ont croisé sa route pour en faire tantôt des pyramides (There Can't be any prediction without future) tantôt des boucles dont on ne sort pas. Il y a sans doute peu d'équivalents en France de groupes qui se soient si peu (pas du tout à vrai dire) interdit de choses, trouvant la parade à l'étiquette post-rock qu'on a souvent voulu leur coller en lui substituant celle, plus générique, d'"Après rock". Ou de "rock de l'Après" quand il ne reste plus rien ou que tout a fusionné en une drôle de matière noire confuse, confite d'incertitudes et d'interstices dans lesquels Rien a su magnifiquement se loger (comme sur leur fameux Requiem pour des baroqueux).

Ils nous l'avaient confié l'an passé, ils ne pouvaient guère aller plus loin et l'ont su très tôt. Sur Ça barde chez les bardes, extrait de leur dernier effort avant le grand saut, Rien semble avoir trouvé un Paradis, bucolique selon leurs critères qui ne sont pas ceux de tout le monde. On leur souhaite d'y demeurer le plus longtemps possible. En gardant avec eux cette maxime, ici à double sens, de Louis Coquelet à qui l'on a attribué L'Éloge de rien cité plus haut, et très représentative du groupe : « qui vit content de Rien possède toute chose ».

Rien, lundi 1er décembre à 20h30, à la Bobine

Tous les disques de Rien sont téléchargeables sur http://www.amicale-underground.org


<< article précédent
Rite de passage