Doré à point


Quand en avril 2007, Julien Doré débarque dans un télé-crochet (Nouvelle Star) qui n'en finit plus de déglutir de la soupe variétoche, il y a un effet belle-gueule immédiat comme si jamais nous n'avions vu de boucles blondes auparavant ; comme, si, soudain, un tatouage, fut-il du nom de Jean d'Ormesson, était sexy et une barrette dans les cheveux le comble du chic. En dézinguant habilement Alizée et consorts façon Richard Cheese and Lounge the Machine ("cover band" américain), il faisait grincer le parquet trop ciré des petits Frenchies.

Au sortir de l'émission, il sait encore se produire sans promo dans de petites salles (comme le CCO de Villeurbanne) avec son groupe d'étudiant, les Dig Up Elvis. Trois albums plus tard, sortis à coup d'un marketing assourdissant, prétentieux et souvent ridicule (une intro dévoilée par-ci, quinze secondes d'un clip par-là…), le voilà élevé au rang des incontournables qu'il moquait. Dans Ersatz, Bichon puis Løve, il parvient pourtant, au milieu de titres conventionnels et contestables, à sortir quelques pépites, à chaque fois sur le mode introspectif et sombre : Les Bords de mer, Bouche pute dans le premier, ou Glenn Close dans le deuxième (le plus faible des trois).

Jouant sans cesse du phénomène médiatique qu'il a créé, Julien Doré s'impose comme un détestable hipster, showman surdoué mais presque trop mécanique sur scène désormais jusqu'à ce que cette carapace laisse poindre ce qu'il esquisse quand il accepte de baisser la garde : un mélodiste doué doublé d'un auteur original et d'un interprète hors pair. Viborg, Hôtel Thérèse, Mon apache (signé du fidèle complice Arman Meliès), Corbeau blanc sont la substantifique moelle de cet hybride à plusieurs têtes. « On attendra l'hiver pour s'écrire qu'on se manque » chante-t-il. Ça tombe bien, c'est maintenant.


Nadja Pobel

Julien Doré, mardi 16 décembre à 20h30, à la MC2


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