"Mon frère, ma princesse" : mauvais garçon

Avec "Mon frère, ma princesse", la metteuse en scène grenobloise Émilie Le Roux signe un spectacle poignant sur un enfant «qui ne veut pas être un garçon». L'une des plus belles réussites de l'année écoulée, et assurément le futur succès d'un théâtre jeune public ouvert à tous les publics. Aurélien Martinez


C'est l'histoire d'un gamin aux envies de robe de fée qui exprime ses désirs avec l'innocence de ses cinq ans, sans comprendre pourquoi ces désirs peuvent tant déranger – ses parents, ses camarades de classe... C'est l'histoire d'une sœur prête à tout pour protéger « son frère, sa princesse », du nom de la pièce jeunesse de Catherine Zambon publiée en 2012, avant qu'une partie rance de la France décide de se braquer contre tout ce qui touche de près ou loin aux études de genre. C'est surtout une histoire à serrer le cœur dont s'est emparée la metteuse en scène grenobloise Émilie Le Roux.

Au centre du récit, Alyan et sa grande sœur. Leurs scènes communes sont les plus justes, les plus émouvantes, Catherine Zambon ayant su trouver les mots pour décrire toute la tendresse d'une sœur pour son petit frère. Leurs monologues en avant scène sont désarmants, illustrant comment un monde est capable de briser un gosse au nom de raisons obscures expliquées comme évidentes, voire naturelles. « La nature elle s'est trompée, je le sais bien elle s'est trompée, j'ai pas su me concentrer alors elle a mis dessus moi des morceaux qui ne sont pas à moi. […] J'aime pas être un garçon, je veux pas être un garçon, je veux pas fâcher papa, je crois qu'on peut revenir en arrière et me refaire autrement. »

J'ai cinq ans

Alyan, c'est Colin Melquiond, jeune comédien grenoblois vu notamment dans les compagnies Les Gentils et Le Festin des Idiots. Des rires, des larmes, des cris : il a beau avoir dépassé les cinq ans depuis longtemps, sur scène, il les retrouve avec délicatesse et précision. Comme Marie Bonnet et Julien Anselmino, qui campent deux autres enfants du récit, la grande sœur protectrice qui elle seule semble comprendre son frère, et le camarade d'école qui n'est finalement qu'un gamin parmi d'autres incapable de mesurer le mal qu'il fait.

Autour d'eux, le monde (trois autres comédiens) s'agite, retourne le "problème" dans tous les sens à l'image de ce décor sur roulettes qui prendra de nombreuses formes pendant la représentation, libérant ou emprisonnant les personnages au fil des scènes. Mais personne ne peut emprisonner Alyan lorsque, bondissant, il traverse le plateau sourire aux lèvres, robe rose au corps. Et quand il utilise sa baguette magique pour tout régler d'un coup, parce que la « magination » le peut, les paillettes tombent du ciel, donnant un vent d'optimiste supplémentaire à ce spectacle généreux et pleinement réussi.

Mon frère, ma princesse
Jeudi 11 et vendredi 12 décembre à 19h30 à l'Espace 600
Vendredi 23 janvier à 20h30 au Coléo de Pontcharra.


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