Tuer un merle moqueur


Aux États-Unis, c'est un classique, considéré comme un des meilleurs films de tous les temps ; en France, Du silence et des ombres (To kill a mockingbird) reste une œuvre assez méconnue, et cette reprise opportune permet de comprendre cet engouement américain. Il traite de la violence des préjugés racistes à travers le procès intenté à un homme noir par une jeune femme qui l'accuse de l'avoir violée. Il est défendu par Atticus Finch, interprété par un remarquable Gregory Peck. Mais au-delà de la thèse, Du silence et des ombres est d'abord un film sur l'enfance. Le récit est raconté en voix-off par Scout, la fille d'Atticus, qui à l'écran ne quitte jamais son frère aîné Jem ; ensemble, ils font les 400 coups dans cette petite ville où les rumeurs courent vite, notamment celle sur leur voisin d'en face, Boo Radley.

La première partie du film montre donc les enfants propager à leur échelle les mécanismes de l'intolérance cruelle reposant sur des préjugés. Leur père se charge de les remettre sur le droit chemin, délivrant de douces leçons de vie avec élégance et humour. Dans la deuxième partie, celle du procès, ces mêmes mécanismes auront des conséquences nettement plus dramatiques : c'est alors une ville entière qui s'acharne sur un de ses citoyens, et Atticus doit endosser l'habit réconciliateur de la conscience morale d'un peuple encore scindé en deux.

La beauté du film de Mulligan tient à ce fascinant renversement de perspective, mais aussi à sa capacité à adopter le regard des enfants sur les deux situations. D'abord en les confrontant à leurs frayeurs puériles, puis en en faisant les spectateurs du procès, et même ses acteurs, comme dans la séquence formidable où Scout arrive, en singeant la sympathie surjouée qu'avait adoptée devant elle son père, à désamorcer une tentative de lynchage. Toujours subtil et complexe, le film mérite largement sa réputation et les louanges qui lui sont fréquemment adressées.

Du silence et des ombres
De Robert Mulligan (1962, ÉU, 2h09) avec Gregory Peck, Franck Overton…
Vendredi 9 janvier à 20h, à la Cinémathèque


<< article précédent
Captives