Christine and the Queens : queer as pop


Le projet Christine and the Queens avait tout pour rester confidentiel, porté par une artiste barrée et surdiplomée qui se serait produite dans des petites salles devant un public arty friand d'originalité. Sauf qu'en 2014, quelques années seulement après qu'elle se soit lancée dans la musique et ait gravi quelques beaux échelons (finale du concours de découvertes des Inrocks ; premières parties de Lykke Li, The Dø ou encore Woodkid ; prix « découverte » du Printemps de Bourges ou des « premières Francofolies »…), voilà Héloïse Letissier devenue l'une des révélations "made in France" qui a séduit aussi bien le public que les critiques à l'image d'une Camille dix ans plus tôt. La comparaison prend d'ailleurs tout son sens quand on les voit chacune sur scène, outil qu'elles utilisent aussi bien comme podium pour leur musique que comme plateau de théâtre afin de matérialiser leur univers. Une théâtralité poussée à l'extrême qui, dans les deux cas, séduit autant qu'elle agace.

Mais le parallèle entre les deux chanteuses prend fin lorsque l'on rentre au cœur de leur engagement : quand Camille se la joue diva roucoulante, Christine and the Queens part ailleurs, dans un monde sans frontières où il n'est plus besoin de « se définir dans son genre comme dans sa sexualité ». Une ligne qui apparaît en filigrane dans ses paroles mêlant français et anglais, tel ce Half ladies où elle clame : « Si je ne veux pas être une grande fille je serai un petit garçon », réponse astucieuse au Single Ladies de Beyoncé portant aux nues la femme parfaite avec une bague au doigt. Ou ce très R'n'B It dans lequel elle prend carrément la place d'un mec – « I'm a man now ».

R'n'B oui, l'électro-pop queer de Christine and the Queens brassant pêle-mêle des références comme Christophe (elle fait d'ailleurs une reprise osée de ses Paradis perdus), Alain Bashung, Véronique Sanson mais aussi Michael Jackson ou Kanye West. Un son hybride donc, peaufiné avec Ash Workman, le producteur du Love Letters de Metronomy qui l'a aidée à dépasser le stade de l'ordinateur sur lequel elle composait initialement sa musique, conférant alors à ce Chaleur humaine, premier album d'une (on l'imagine) longue série, une touche très moderne sans être tape-à-l'œil.

Christine and the Queens, mardi 3 mars à la Belle électrique (complet)


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Christine and the Queens : « Ce succès raconte une histoire assez jolie sur le statut de la pop en France »