La peinture en guerre

À l'ère du XXIe siècle, dans un monde régi par Internet, les images prolifèrent à une telle vitesse qu'elles semblent avoir des vies autonomes. "Who's afraid of picture(s)?", nouvelle exposition de l'École supérieure d'art et de design Grenoble, cherche ainsi à interroger le rapport entre l'image et l'art contemporain autant qu'à questionner la force de la peinture. Charline Corubolo


L'exposition Who's afraid of picture(s)?, installée depuis le 25 février à l'École supérieure d'art et de design Grenoble, trouve une résonance particulière dans une actualité bien morose. La genèse de ce projet remonte pourtant à six mois de cela, avec pour initiateur Frédéric Léglise, artiste, professeur à l'Ésad et surtout curateur de l'événement. Et si les éléments perturbateurs qui ont conduit à l'élaboration de cette présentation collective de peintres (une visite dans l'atelier de l'Islandais Errò ainsi qu'un programme de recherche en peinture) semblent anecdotiques, ils sont pour autant révélateurs de la force des représentations et de la persistance du médium pictural.

Cherchant à répondre à l'épineuse question des images dans un siècle où les médias de masse saturent nos yeux (images d'ailleurs réexploitées par les peintres), Frédéric Léglise propose une remontée chronologique jusqu'à Jean-Jacques Lebel et Errò, deux artistes qui ont fait des visuels existants une nouvelle composante dans leur démarche artistique. Deux artistes qui ont vécu le boum du pop art, mis en parallèle avec de jeunes artistes qui, eux, ont vécu le boum Internet.

Pinceau, arme fatale

Il est ainsi autant question d'image, voire plus, que d'interroger la peinture dans sa nature intrinsèque, elle qui a vu sa mort proclamée à chaque nouvelle apparition technologique (mais en vain). Et bien que cette dernière ait subi l'assaut assassin de certaines écoles d'art dans les années 1990 qui la jugeaient obsolète, une vague de peintres a persisté. Une vague ici représentée par 22 artistes et autant de manières de traiter la peinture figurative : par la déconstruction des images pour mieux opérer le réel ou par la confrontation du genre à sa propre matérialité face aux nouveaux outils.

La toile de Johann Rivat (photo) démasque un ennemi invisible qu'on ne saurait dire s'il est dans la rue ou dans le pinceau, quand Gilles Balmet entreprend une danse conflictuelle avec la matière. Quant à Tianbing Li, il arrive à créer un malaise si profond avec la représentation de trois singes qu'on ne sait si c'est l'image qui dérange ou bien la substance même.

Who's afraid of picture(s)?, jusqu'au mardi 24 mars à l'École supérieure d'art et design Grenoble


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