La "rêvolution" des Gentils

Alors que leur "Carriole fantasque de Monsieur Vivaldi" est toujours sur les routes, les Gentils dévoilent cette semaine à Eybens une nouvelle création baptisée "Et que vive la Reine !". Une joyeuse petite forme un brin politique autour de la fameuse Alice au Pays des merveilles. Et une réussite. Aurélien Martinez


Au Pays des merveilles, c'est un peu comme en Corée du Nord : pour son grand « jubilage », la terrible Reine Rouge-Noire-Rouge a commandé à ses ouailles un grand show la mettant à l'honneur, quitte à réécrire l'histoire pour que celle-ci en mette plein la vue. C'est au Chapelier que la mission revient ; chapelier qui est du coup terrorisé de peur de décevoir et de se retrouver la tête tranchée – c'est la mode là-bas.

Au Fond du Gouffre, du nom du bar clandestin que son pote Le Lièvre tient, il essaie de faire de son mieux, utilisant ses camarades d'infortune comme comédiens d'une journée : Le Lièvre, mais aussi l'excentrique Miss Le Loir et le taiseux La Carpe, préposé au piano.

Et que vive la Reine !, la nouvelle création de la compagnie grenobloise Les Gentils, transpire Les Gentils de tous ses pores : une fantastique scénographie bricolée (et cette fois-ci immersive, le public étant dispersé dans plusieurs coins de la taverne), des chansons ici et là (mais beaucoup moins que dans la Carriole) et une mise en abyme joyeuse (un spectacle sur un spectacle en train de s'écrire).

Sauf que cette fois-ci, la fantaisie du metteur en scène Aurélien Villard, conçue avec la comédienne Marie Bonnet (qui campe Le Lièvre), se double d'un subtil discours politique (déjà présent chez Lewis Carroll) en se focalisant sur une reine despotique qui a tué tout espoir poétique en prenant le pouvoir.

Wild is the wind

La résistance s'organise donc, mais de façon détournée et loufoque. Aurélien Villard et Marie Bonnet se servent ainsi des armes du théâtre et de l'imaginaire pour construire un récit à plusieurs niveaux de lecture sans qu'aucun d'entre eux ne prenne le pas sur les autres. Car Et que vive la Reine ! est tout sauf un spectacle à thèse, confirmant qu'au théâtre, les grandes idées passent souvent mieux quand elles n'oublient pas qu'elles sont d'abord les parties d'un tout.

Sur scène, ils sont quatre à habiter ce monde merveilleux, offrant une forme intimiste à cette nouvelle aventure – Aurélien Villard n'a pas convoqué tous les membres de sa troupe habituelle, et s'est même autorisé à inclure de nouveaux Gentils. Quatre plus Alice, forcément, qui sera malgré elle balancée dans ce monde de tendres timbrés. Et leur offrira un vent d'optimisme bienvenu, à l'image du spectacle en lui-même.

Et que vive la Reine !, mercredi 25 et vendredi 27 mars à 20h, à l'Odyssée (Eybens)


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