Histoire de Judas


Dans l'esprit du plus mécréant des mécréants, Judas est l'apôtre qui a trahi Jésus, le livrant aux Romains et le conduisant à la crucifixion. Rabah Ameur-Zaïmeche choisit sciemment de rompre avec cette vision consacrée en faisant de Judas et Jésus des potes à l'amitié indéfectible, qui ne sera brisée que par les enjeux politiques liés à l'émergence de cette nouvelle secte chrétienne qui dérange le pouvoir et les tenants de la religion hébraïque dominante.

Le cinéaste ne s'en tient pas là : en faisant jouer les premiers chrétiens par des acteurs d'origine arabe (dont lui-même dans le rôle de Judas), il confère une résonance actuelle puissante à cette histoire vieille de 2000 ans. Et en choisissant le réalisme et la quotidienneté (dans les dialogues ou les décors) plutôt que l'emphase, il ramène la vie de Jésus à son niveau le plus prosaïque, s'inscrivant ainsi dans les pas de Carrère ou Cavalier.

Il y a chez Ameur-Zaïmeche une manière presque caressante de regarder ses personnages, leurs traditions, leur musique (un des plus beaux passages du film) et parfois des idées fortes, comme ce procès de Jésus se déroulant au milieu des ruines, symbole souligné dans le dialogue d'un empire romain à bout de souffle. Sans parler de Barabas, vieux fou qui erre dans le récit en parodiant la parole évangélique et le comportement du Christ, miroir déformé mais peut-être lucide de son enseignement.

Il y a aussi, et c'est plus gênant, un goût pour les acteurs amateurs et la lenteur contemplative qui viennent pétrifier ce geste pourtant passionnant, limitant sa portée à une chapelle cinéphile alors qu'une telle approche aurait mérité un peu plus de générosité envers le spectateur.

Christophe Chabert

Histoire de Judas
De et avec Rabah Ameur-Zaïmeche (Fr, 1h39) avec Nabil Djedouani, Mohamed Aroussi…


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