Vous avez dit Blizzard ?

Mis sur orbite par un impressionnant EP baptisé "Blizzard", Fauve a ensuite confirmé à peu près partout sauf sur disque. Au point de faire aujourd'hui la tournée des Zénith, dont le Summum, alors que le deuxième long format du groupe est sorti à l'automne dernier dans l'indifférence générale. Blizzard ? Comme c'est blizzard. Stéphane Duchêne


Quelle étrange trajectoire que celle de Fauve. Démarré par un bouche à oreille en forme de traînée de poudre, d'un public de forcenés diffusant vers la hype puis un plus large horizon médiatique jusqu'au suremballement (un dossier de "une" dans Libération lui a été consacré, mettant tous les cadors de la rédaction à contribution pour analyser le phénomène tout en célébrant mollement son prétendu génie), c'est au moment où le groupe squatte un à un tous les Zénith de France que le soufflé semble être lourdement retombé.

Bien entendu, ces Zénith sont pleins – mais à quelques exceptions près, pas complets (comme à Grenoble). Pourtant, c'est comme s'il y avait eu une sorte de jet-lag entre l'explosion non pas seulement médiatique mais surtout artistique du groupe et cette tournée. Comme si celle-ci avait été réservée un peu tôt par les promoteurs pour se dérouler trop tard. Car là où Fauve a été le plus intéressant – et peut-être était-ce l'attrait de la nouveauté – c'était sur son EP Blizzard qui cinglait vraiment sur le visage. C'est de là que l'emballement, déjà bien entamé dans un cercle d'aficionados, a pris et justement pris.

Queue de comète

Sauf que l'essai ne fut guère transformé sur la longueur d'un album qui, en plus, n'était que le premier chapitre, d'un très long format, Vieux Frères – Partie 1, plus queue de comète de Blizzard, navire amiral où déjà le souffle entrevu tournait à l'essoufflement et les fulgurances à la figure de style. Mais comme nous étions alors au pic de la Fauve mania, cela est passé relativement inaperçu et n'a pas entamé la trajectoire ascensionnelle du Fauve Corp débouchant sur des concerts sold-out en pagaille et rien moins que 20 Bataclan. Inaperçu donc, à peu près comme l'est passée à l'automne la sortie de Vieux Frères – Partie 2.

On nous avait pourtant annoncé ce deuxième volet comme radicalement différent, on n'a eu droit qu'à une nouvelle redite accompagnée d'un léger virage vers le classicisme pop (soit, le chant, pas l'idée du siècle, les concernant) et une confirmation en forme de question : et si pour beaucoup, Fauve n'avait été qu'une passade, l'un de ces coups d'un soir dont un certain nombre de leurs titres déplorent la superficialité et la trivialité ?

L'ivresse a donc laissé place à la gueule de bois et notre "instant crush" au "what the fuck ?". Une fois installé à la maison, l'amant des Nuits Fauves s'est révélé moins glamour, un peu chiant. Ce qu'il avait de touchant est devenu agaçant (on a les qualités de ses défauts) et finalement insignifiant. Fauve nous aura au moins appris une chose – et on peut très bien attendre qu'ils nous le démentent, après tout : il faut se méfier des coups de foudre.

Fauve, vendredi 10 avril à 19h30, au Summum


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Plongée dans la réplique de la grotte Chauvet