La carte blanche et le territoire d'H-Burns

Après avoir atteint une sorte de Graal rock en allant enregistrer un "Off the Map" aride et plein de rugosités rock dans l'antre chicagoane du mythique Steve Albini, H-Burns a, avec "Night Moves", ouvert en grand ses écoutilles mélodiques en direction d'une Californie dont le territoire semble s'étendre à l'infini. Pour fêter ça, la Belle électrique lui donne carrément carte blanche. Stéphane Duchêne


H-Burns aurait-il la bougeotte ? À l'écoute de son œuvre discographique, on aurait plutôt tendance à le penser lancé dans la quête d'une place dans le monde que sans doute, et c'est tant mieux, il ne trouvera jamais – ce qui revient un peu, certes, à avoir la bougeotte. On avait ainsi laissé le Drômois du côté de Chicago, aux mains du rigoriste à salopette Steve Albini pour le très sec (forcément) Off the Map, arrachant aux passages les frusques folk auxquelles il nous avait plutôt et plus tôt habitués.

Mais une fois tombé de la carte, H-Burns en a ouvert une autre, délaissant les rigueurs venteuses de Chicago pour la brise californienne et, au fond, la brisure. Et c'est assez logiquement que Renaud Brustlein s'est tourné, pour orienter son contre-pied, vers un producteur à même d'enrober de la plus belle des manières des compositions qu'on n'avait guère imaginé habitées d'une verve si mélodique : Rob Schnapf, co-producteur du Mellow Gold de Beck et des meilleurs Elliott Smith, mais choisi au départ pour ses travaux avec AA Bondy.

Bande-son

D'emblée, Night Moves nous déroute, dans tous les sens du terme. Comme avec l'immédiat Nowhere to be, en ouverture, premier jalon du paradoxe géographico-musical à l'œuvre ici. Car il plane aussi beaucoup sur ce disque enregistré à L.A. l'ombre de Bruce Springsteen et donc inévitablement du New Jersey mais aussi de Nebraska (In the Wee Hours) ou de Streets of Philadelphia (Signals).

Serait-on perdus, dès lors ? Non, on roule. Et on se saoule de rouler au son de ces imparables titres d'album routier. De s'arrêter sur le bord de la chaussée pour apercevoir un autre fantôme (au fond Night Moves est un peu un disque d'apparitions spectrales et de cité des anges gardiens), celui d'Elliott Smith (Too much hope ou Big Surprise).

Voilà donc l'album d'un type qui a toujours voulu aller voir à l'autre bout du monde et de la musique s'il y était et qui refuse de rentrer chez lui parce qu'il n'en a pas vraiment, de chez lui ; du moins ne s'en contente pas. Alors il roule là où il s'est posé, d'un océan à l'autre, sur une autoroute de tubes, poursuivi par ses fantômes à la manière du Fred Madison de Lost Highway, comme pour échapper à lui-même. Et comme si Night Moves était la bande-son d'un film dont il serait également le scénario.

Carte Blanche à H-Burns (avec Qasar + DJ So Foot + DJ Merci Bonsoir), vendredi 24 avril à 20h, à la Belle électrique


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