La force tranquille

Au PB, on adore Dominique A. Son dernier album baptisé "Éléor", qu'il viendra défendre sur la scène de la Belle électrique, nous donne une nouvelle fois raison.


Qualifier de classique un album de Dominique A pourrait laisser entendre qu'on a affaire à du A pur jus. Or ce n'est pas le cas d'Eléor (déjà parce qu'une telle chose n'existe pas vraiment) ; et son classicisme est à évaluer au regard des standards de la chanson ou du format pop. Des titres courts où un trio rock classique, donc, baigne dans des arrangements de violons enveloppants – qui succèdent ici aux cuivres du pas toujours compris Vers les lueurs – pour un résultat d'une grande simplicité et d'une grande douceur. Une certaine suavité comme le confie lui-même l'auteur de La Fossette.

Cap Farvel ouvre en grand cet album de grands espaces qui, pour la plupart, appellent ou évoquent le renoncement, se cristallisent dans le fantasme du voyage par procuration (Par le Canada et ses violons oniriques). Et où la simple évocation des lieux (Central Otago, dont les guitares résonnent en écho à ces fascinantes syllabes du bout du monde, quelque part en Nouvelle-Zélande) suffit à traverser le monde.

Transport amoureux

Or du voyage au transport amoureux, il n'y a souvent chez A qu'un pas, comme en témoigne le sublime Au revoir mon amour, sur ces passions fugaces imaginées le temps d'un échange de regard quelque part dans la vie. Voilà le cœur d'Eléor : île troublante.

Dans le culte Génération X, l'auteur canadien Douglas Coupland appelait « ultra-nostalgie » la nostalgie du passé immédiat. Chez Dominique A, celle-ci se plaque aussi sur ce qui ne s'est pas passé parce qu'on s'y refuse (« Mieux vaut ne pas s'aimer qu'un jour ne plus s'aimer ») par peur de ce qui pourrait arriver.

Ou peut-être pour laisser ouvert en grand un champ infini des possibles (Une autre vie) qui se déclinerait en pensées et en cinémascope, ménageant une multitude de fictions pour soi-même faites d'horizons rêvés, rassurants parce qu'inaccessibles. Et qui nous emplirait d'une force tranquille, comme le fait ce dixième album dont on ressent déjà la nostalgie.

Éléor (Cinq7-Wagram)


<< article précédent
Titli, une chronique indienne