Goodnight mommy


À chaque nouveau film autrichien, on s'attend maintenant au pire. Attention, cela n'est pas un jugement sur la qualité des œuvres, mais sur leur degré de cruauté et d'exploration glauque de la psyché nationale. Haneke et Ulrich Seidl sont passés par là, et Goodnight mommy, cosigné par la compagne de Seidl et par son neveu, semblait s'inscrire dans cette veine éprouvante. Éprouvant, il l'est, mais à la différence des cinéastes sus-cités, Veronika Franz et Severin Fiala sont beaucoup plus proches du pur cinéma de genre, avec notamment une dernière partie qui en remontre aux "torture porns" post-Hostel.

Le point de départ est mystérieux à souhait : en plein été, dans une maison isolée au milieu des champs de maïs, deux gamins attendent le retour de leur mère. Lorsqu'elle revient au foyer, c'est le visage entouré de bandelettes dissimulant ses traits (une image qui, de Seconds à Steak en passant par Le Visage d'un autre, inspire de sacrés créateurs cinématographiques) et ses réactions souvent abruptes suffisent à semer le doute dans l'esprit des deux enfants : s'agit-il vraiment de leur mère ou bien d'une inconnue se faisant passer pour elle ?

Goodnight mommy se déploie ainsi comme un film d'angoisse glacial (on retrouve la touche autrichienne) où la mise en scène, toute en cadrages implacables et en mouvements de caméra à la lenteur calculée, distille constamment le malaise. Même quand ils font entrer dans ce monde clos sur lui-même des figures nettement plus amarrées à la réalité, rien ne vient distendre le fil tiré comme une corde à piano dans leur récit.

Moins convaincante est la nature de l'énigme et sa résolution en forme de twist que l'on devine assez vite – surtout si on a vu The Other, merveille peu connue de Robert Mulligan. Cela n'ôte rien à la subversion du film, qui envoie de grands coups de genoux dans l'institution familiale et la soi-disant innocence des enfants. Ce culot-là, devenu rare, mérite tous les éloges.

Christophe Chabert

Goodnight mommy
De Veronika Franz et Severin Fiala (Autriche, 1h40) avec Susanne Wuest, Lukas Schwarz, Elias Schwarz…


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Cannes 2015, ouverture