"L'Oiseau vert" : du très grand Pelly !

2h20 qui ne souffrent d'aucun temps mort : avec "L'Oiseau vert" de Carlo Gozzi, Laurent Pelly a mis sur pied une fable visuellement fantastique défendue par des comédiens excellents. Du très bon théâtre, généreux et source de plaisir. Aurélien Martinez


« Quand on travaille sur des plateaux de la dimension de celui de la MC2, c'est indispensable selon moi de perdre le spectateur dans une image. J'aime bien, quand le spectacle démarre, ne plus savoir où est la réalité concrète, géographique. D'ailleurs, L'Oiseau vert nécessite cette rêverie, cette poésie de l'image. » Voilà ce que nous déclarait la semaine passée le metteur en scène Laurent Pelly juste avant de faire son grand retour à Grenoble avec ce fameux Oiseau vert, spectacle créé à Toulouse que nous n'avions pas pu voir avant sa venue à la MC2.

On est donc allés le découvrir le soir de la première grenobloise, dans une salle blindée : ô joie, on a retrouvé Laurent Pelly sous son meilleur jour. Le directeur du Théâtre national de Toulouse est ainsi parfaitement arrivé à « perdre le spectateur dans une image » comme il l'a si souvent fait du temps où il dirigeait le Centre dramatique national des Alpes. Sa scénographie est grandiose, avec un sol vallonné montant jusqu'au ciel, des ampoules délimitant l'espace de jeu, des lumières inventives. Ses costumes sont féeriques, symbolisant avec flamboyance l'univers fantastique mis en place par l'auteur italien Carlo Gozzi dans sa pièce écrite en 1765.

Une réflexion décalée sur les dangers d'une philosophie repliée sur elle-même dans laquelle il est question de deux enfants philosophes de sang royal qui ne connaissent par leurs parents, d'une reine-mère infâme, d'un roi hypocondriaque, d'une femme emprisonnée sous un évier… Mais aussi de statues qui parlent, de pommes qui chantent, d'eau qui danse ; et d'un mystérieux oiseau vert qui apportera de nombreuses réponses…

Théâtre plaisir

Le texte de Carlo Gozzi, intégralement traduit par Agathe Mélinand, la complice de longue date de Laurent Pelly, est une partition parfaite pour le metteur en scène qui a visiblement pris du plaisir à jouer avec. Cette notion d'amusement est surtout visible dans sa direction d'acteur remarquable : Emmanuel Daumas campe un roi hystérique qui devient l'un des ressorts comiques principaux de la pièce très "commedia dell'arte" ; Thomas Condemine et Jeanne Piponnier sont de parfaits jumeaux devenus détestables une fois l'argent arrivé par magie ; Georges Bigot et Nanou Garcia forment un couple de pauvres charcutiers très en gouaille… Oui, tous les comédiens sont excellents, même ceux que l'on n'a pas cités !

Mais le personnage le plus marquant de la mise en scène de Laurent Pelly est celui de la reine-mère, incarnée par Marilú Marini. La comédienne argentine à la diction métamorphosée campe une femme acariâtre et machiavélique dont la démarche et le costume rappellent aussi bien la femme araignée de Louise Bourgeois que toutes les méchantes qui émaillent les dessins animés Disney.

L'une des images les plus fortes d'un spectacle qui en compte de nombreuses et qui peut finalement se lire comme une très belle démonstration de ce qu'un metteur en scène généreux peut faire avec les artifices du spectacle vivant.

L'Oiseau vert, jusqu'au samedi 9 mai à la MC2


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