L'Étranger : Gallotta en situation irrégulière


C'est l'un des romans les plus célèbres du siècle dernier. Le voilà transposé sur scène par Jean-Claude Gallotta, qui a sorti de la trame narrative quelques images propices à des tableaux dansés entrecoupés par les mots d'Albert Camus (car oui, on parle ici de L'Étranger) lus par Gallotta en voix off. Sur le plateau, trois fidèles danseurs de la compagnie semblent figurer tour à tour les différents personnages, même si le chorégraphe se limite à quelques évocations qui n'enferment aucun des interprètes dans un rôle.

« Je voulais offrir une traduction physique aux mots de Camus » explique-t-il dans l'interview qui lui sert de note d'intention. C'est fait, poliment, dans l'ordre chronologique, rappelant par moments son précédent spectacle Racheter la mort des gestes avec ce collage de plusieurs références et de plusieurs œuvres – des extraits de films de Tarkovski, Visconti et Fellini sont par exemple projetés en fond de scène. Mais quand Racheter la mort des gestes convoquait diverses émotions, L'Étranger se contente d'être un spectacle de danse à la lisière du roman, joliment poli donc.

Sauf quand Gallotta ouvre le récit, raccrochant cette histoire au parcours algérien de sa mère récemment décédée – la première phrase du roman « Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » résonne alors différemment. C'est dans ces moments-là que L'Étranger version Gallotta prend tout son sens, pouvant être vu non comme une adaptation d'un texte phare du philosophe de l'absurde mais comme un autoportrait en creux du chorégraphe.

Aurélien Martinez

L'Étranger, jusqu'au samedi 20 juin à la MC2


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