Douce froideur

Après avoir beaucoup travaillé Shakespeare, le metteur en scène de la compagnie L'unijambiste s'adresse pour la première fois aux petits (dès 7 ans) et aux grands. Et part au pays des Inuits pour un spectacle sensoriel d'une qualité rare. Nadja Pobel


C'est comment la vie dans les glaciers ? Ça craque. Cette sensation autant que ce bruit irriguent la nouvelle création de David Gauchard (cie L'unijambiste), conçue après un voyage de deux semaines sur la banquise – à Kangiqsujuaq, porte d'entrée du Nunavik, la terre des Inuits du Québec. Oui, ça craque et ça part en lambeaux comme la planète se réchauffe. Il était ainsi impensable et impossible pour le metteur en scène de ne pas évoquer la catastrophe climatique actuelle, non par démagogie (inexistante ici) mais plus sûrement par simple conscience.

Sans didactisme, le texte relatif à cette question n'apparaît que dans les cartels des surtitres à destination des adultes, les enfants restant les yeux rivés au plateau sur lequel les pas des Inuits craquent lorsqu'ils bougent sur cette fausse glace en débris, laissant s'échapper un son d'une justesse absolue. Gauchard a, par ailleurs, également su instaurer les sensations de froid et d'hostilité dans lesquelles évoluent ses personnages, personnages semblant lutter de toutes leurs forces contre des vents contraires.

Fondre devant l'inconnu

Sans suivre de trame narrative précise, les séquences s'enchaînent comme autant d'instants d'une vie modeste, pas encore soumise à la vitesse, aux communications radio ou téléphoniques ni même aux déchets – autant d'exemples du "monde moderne". Sans tomber non plus dans une caricature et une idéalisation du passé vierge de pollution de cette population, Gauchard restitue une histoire à ceux qui, anciens Esquimaux (littéralement « mangeurs de viande crue »), sont devenus en 1970 des Inuits – traduction du mot « homme ». Et il montre de quoi est fait le quotidien sur place : la pêche, la navigation mais aussi le travail précis et précieux des scientifiques carottant cette terre.

Nimbant sa mise en scène d'images, il parvient ici à faire exister la nuit étoilée et la faune dans un demi-cercle en fond de scène qui s'apparente aussi à l'incontournable igloo. Et, surtout, il s'entoure à nouveau du compositeur Arm, leader du groupe Psykick Lyrikah, également du voyage dans le Grand Nord qui en a ramené des flows envoûtants et prégnants prolongés par le beat box de L.O.S en direct sur la scène aux côtés des deux comédiens. Tout est alors réuni pour que cet Inuk laisse des traces durables dans la mémoire de chacun.

Inuk, du jeudi 11 au lundi 15 février à l'Hexagone (Meylan)


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