Moissec : Brestois et nous

Étincelle de la nouvelle chanson française il y a 20 ans, Miossec aurait pu n'être qu'un feu de paille. Mais même si moins dévastatrice, la flamme qui l'anime brûle toujours. Et continue de nous réchauffer. Stéphane Duchêne


Il y a de cela plus de 20 ans, Miossec voulait Boire, tout en prétendant qu'il n'était plus saoul. Il le clamait avec une sorte de rage, quelque chose touchant à la mélancol-ivre et à la tristesse infinie que venait agacer, au sens propre du terme, des guitares dont les cordes semblaient taillées dans des tendons.

Une vie brinquebalante, aux bifurcations improbables (il écrivit des bandes-annonces publicitaires pour TF1) avait poussé le Brestois à rentrer dans son Finistère – là où l'on finit, là où l'on se terre. Histoire de tenter le coup de poker de la chanson, avec une mise de poche percée.

Chansons (pas si) ordinaires

Tout ou rien, quitte ou double, ce devait être le résultat. Ce fut aussi une manière de faire. Mais surtout, avec son organe si particulier, pas vraiment formaté, guère travaillé, branlé de travers, il voulait chanter. Ses textes le firent à sa place : des Chansons ordinaires, comme il titra l'un de ses albums, mais qui ne l'étaient pas vraiment. Qu'un pingouin ou un Johnny Hallyday chante du Miossec (car, à force, on est beaucoup venu chercher ce type qui mit si longtemps à se trouver), on le renifle à trois kilomètres, dans ses moindres tics – parce que les tics, c'est aussi un style et que le style c'est l'homme.

Et si, comme le disait Fitzgerald, « la personnalité est une suite ininterrompue de gestes réussis », on pourrait dire de Miossec que la sienne est une suite ininterrompue de gestes maladroits, de chutes rattrapées aux vols, de pieds (de biche) entrés aux chausse-pieds dans des mesures trop courtes, secret de ces étincelles verbales dont on ne parvient jamais vraiment à se lasser.

En 2016, débarrassé de l'envie de boire, Miossec, Ici-bas, ici même, nous donne pourtant toujours l'impression enivrante de nous téléphoner encore ivre mort au matin comme si c'était la Saint-Valentin, ce jour déprimant dont on n'aurait bien du mal à se passer. Comme d'une chanson de Miossec.

Stéphane Duchêne

Miossec
À la Bobine mercredi 16 mars à 20h30


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