Noir c'est noir avec Bruit Noir

Nouvelle émanation arasante de Pascal Bouaziz et de son acolyte Jean-Michel Pirès, en congé du groupe Mendelson, Bruit Noir est surtout pour ses deux protagonistes le nouveau vecteur toujours plus radicalisé et malaisant d'un désespoir qui se teinte d'humour noir, comme on se charbonne la face pour aller à la guerre. Rendez-vous à la Bobine pour le constater. Stéphâne Duchêne


Le bruit blanc, ce son qui comporte toutes les fréquences du spectre émises aléatoirement avec la même énergie, est une anomalie pour l'oreille. Il est aussi susceptible de soulager ceux que les acouphènes, ces bruits imaginaires, rendent fous. Le Bruit noir, tel que conçu par Pascal Bouaziz et son batteur Jean-Michel Pirès (starter sinon moteur de ce projet), semble lui voué à nous soulager de la cacophonie, bien réelle, elle, du monde.

Sur un vacarme minimaliste et déboîté (batterie autiste, cuivres ivres), Bouaziz vient poser, détaché, un murmure de constats amers non dénués d'un humour qui est plus que jamais la politesse d'un désespoir abyssal. À la sortie de Mendelson, terrifiant et prodigieux triple album de... Mendelson, on se demandait et on demandait à Bouaziz comment il pourrait aller plus avant dans la radicalité, labourer plus en profondeur ces no man's land mentaux qui sont comme une banlieue de la vie, fouiller plus profond, à mains nues et mots crus, les entrailles d'une aliénation disséquée depuis cinq albums (dont deux sont réédités par le label Ici d'ailleurs).

Radicalité mon amour

Lui annonçait la fin d'un cycle, et en effet, il fallait simplement changer d'angle pour continuer à délivrer les cadavres du placard bouazizien. Ce Bruit noir I/III est la réponse cinglante à cette question, celle d'un type dont les gencives disparaissent (« Peut-être que je vais perdre mes dents comme Houellebecq sur les photos dans Rock & Folk (...) Peut-être que je vais perdre mon cerveau comme Lou Reed avec Metallica » sur Joy Division, véritable déclaration d'amour à Ian Curtis et à la radicalité – l'humour de Bouaziz toujours.

Un type aussi qui s'écrit un Requiem, regardant ultimement la vie en face comme une préface de la mort, ravivant les souvenirs comme on invoque les fantômes. Un requiem, on l'apprend en dernier ressort, qui est aussi un Adieu à l'enfance – l'un de ses thèmes de prédilection. Adieu à l'innocence donc qui est peut-être la vraie mort, quand on se rend compte que, comme Ian Curtis, on est, malédiction ultime, « entourés d'abrutis ».

Bruit Noir + Gontard !
À la Bobine jeudi 7 avril à 20h30


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Les rêves en carton de Sylvie Réno